Pourquoi le prix de l’électricité dépend du prix du gaz naturel ?

Durant la crise énergétique de 2022, le prix de l’électricité pour les professionnels a explosé. En effet, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait bondir les prix du gaz, ce qui a entrainé des répercussions sur les prix de l’électricité. Les professionnels de tous secteurs ont été confrontés à une volatilité alarmante des prix de l’énergie.

Cette instabilité, particulièrement perceptible dans le lien étroit entre le prix du gaz et celui de l’électricité, soulève des interrogations légitimes sur les fondements de nos marchés énergétiques et appelle à une réflexion approfondie sur les mécanismes de tarification en vigueur.

Mais pourquoi le prix de l’électricité est indexé sur le gaz ? 

L’objectif de cet article est de dévoiler les raisons pour lesquelles le prix de l’électricité dépend du prix du gaz et d’explorer les solutions de l’UE pour en dissocier les coûts.

Le rôle central du gaz naturel dans la production d'électricité

Le gaz naturel joue un rôle prépondérant dans la production d’électricité en Europe, représentant près de 20% du mix électrique selon le rapport Ember 2023. Cette dépendance s’explique par la capacité du gaz à répondre rapidement aux pics de demande, grâce à la flexibilité des centrales thermiques.

Toutefois, cette dépendance a un prix. La volatilité du marché du gaz, exacerbée par les événements géopolitiques récents et des changements dans les pratiques de maintenance post-pandémie, se répercute directement sur les coûts de production de l’électricité. C’est pourquoi, les prix de l’électricité pour les professionnels et les ménages ont été très influencés par la flambée des prix du gaz en raison de l’invasion russe en Ukraine.

Mécanismes de fixation des prix : le principe du "merit order"

En France, la détermination du prix de l’électricité s’appuie sur la stratégie du “Merit Order”, également appelée préséance économique. Ce système hiérarchise les sources d’énergie selon leur coût marginal, privilégiant les énergies les moins chères et les moins polluantes. Le “Merit Order” permet d’établir un ordre de priorité dans l’activation des unités de production électrique selon leur coût marginal.

Ce dernier prend en compte divers facteurs tels que :

  • le prix des émissions de carbone
  • le coût des matières premières (gaz, pétrole, charbon, uranium)
  • les dépenses liées à la maintenance
  • les taxes.

Ainsi, le prix du kilowattheure fluctue toutes les 30 minutes, en fonction de la dernière source d’énergie sollicitée.

Le principe de préséance économique dicte l’ordre dans lequel les sources d’énergie sont mobilisées. Selon l’Ademe, les énergies renouvelables, dont le coût marginal est quasi nul, sont utilisées en premier lieu. Viennent ensuite les centrales nucléaires, avec un coût marginal modéré. En dernier lieu, on retrouve les énergies fossiles, dont le coût est nettement supérieur en raison de la volatilité des prix des combustibles et du coût du carbone, rendant ces dernières moins compétitives.

Les énergies renouvelables, comme le solaire ou l’éolien, présentent l’avantage d’avoir un coût marginal faible, principalement parce qu’elles ne nécessitent pas de combustible pour produire de l’électricité. Cependant, leur production est intermittente car elles dépendant des conditions météorologiques comme l’ensoleillement ou le vent.

L’énergie nucléaire, quant à elle, est appelée après les renouvelables du fait de la faible émission de CO2 des centrales nucléaires, et de son coût généralement inférieur à celui des fossiles. Les énergies fossiles, malgré leur capacité à répondre rapidement aux pics de demande, sont les dernières sollicitées en raison de leur coût marginal élevé. Ce dernier est impacté par les fluctuations des prix sur les marchés et le prix des émissions de carbone.

L’objectif du “Merit Order” est de réduire les prix de l’électricité sur le marché EPEX Spot en privilégiant les sources d’énergie les moins onéreuses. Néanmoins, avec la variabilité des coûts des combustibles nucléaires et fossiles et la hausse du prix du CO2, cette stratégie ne garantit pas une stabilité des prix sur le long terme.

Cependant, quand le coût d’une source d’énergie primaire, comme le gaz, grimpe significativement, situation exacerbée aujourd’hui par les tensions entre la Russie et l’Ukraine, cela entraîne une hausse du coût marginal variable des centrales de production au gaz avec pour conséquence de renchérir le prix de l’électricité.

Dans le cadre de l’émergence d’un marché européen unifié de l’énergie, ce mécanisme se traduit par une montée considérable des tarifs de l’électricité sur le marché français, malgré le parc nucléaire de grande capacité que possède le pays. C’est dans ce contexte que l’on peut dire que le prix de l’électricité est indexé sur le gaz.

Vers une dissociation des prix avec la réforme du marché européen de l’électricité

La nécessité de découpler les prix de l’électricité et du gaz a fait l’objet d’un consensus croissant au niveau européen. Cette réforme, envisagée comme une réponse structurelle à la crise énergétique, vise à introduire une nouvelle méthodologie de tarification qui reflète davantage les coûts réels de production de l’électricité et favorise les énergies renouvelables. Une telle démarche permet de stabiliser les prix pour les consommateurs et les entreprises mais aussi d’accélérer la transition vers une économie plus verte.

Après de nombreuses négociations, les ministres de l’Énergie des Etats membres de l’UE sont finalement parvenus à un accord. Ce dernier vise à réformer le marché de l’électricité en Europe afin qu’il soit moins dépendant des prix des combustibles fossiles. Le but est de favoriser l’investissement dans les énergies décarbonées, nucléaire inclus.

Fin 2023, le Conseil de l’UE et le Parlement européen se sont accordés sur un texte qui souligne l’importance d’établir des contrats d’achat d’électricité de long terme, à un tarif prédéterminé, dans le but de réduire la fluctuation des prix de l’électricité. L’Union européenne envisage un marché énergétique durable comme levier essentiel pour encourager les investissements dans les énergies propres.

La réforme envisagée introduit l’idée de contrats pour différence (CFD), qui assurent aux producteurs un prix fixe pour l’électricité produite, et aux consommateurs un prix d’achat également fixe. La différence entre le prix CFD et le prix du marché entraîne :

  • soit une subvention de l’État au bénéfice du producteur si le tarif est inférieur à celui du CFD,
  • soit une rétribution versée par le producteur à l’État en cas de prix supérieur.

Renforcer la part des énergies renouvelables

La réforme du marché européen de l’électricité vise également à accélérer les investissements dans les nouvelles installations de production d’électricité à faible émission de carbone. Cela concerne les énergies renouvelables telles que l’éolien, le solaire, la géothermie et l’hydroélectricité, ainsi que l’énergie nucléaire.

L’accroissement de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique apparaît comme une solution pérenne pour réduire notre dépendance au gaz. Les données de Lazard sur le LCOE (Levelized Cost of Energy) de 2023 montrent que les coûts de production de l’énergie solaire et éolienne sont inférieurs à ceux du gaz. En plus d’être moins carbonées, ces sources d’énergie offrent une compétitivité économique indéniable, soulignant l’importance de l’autoconsommation et de la sobriété énergétique dans la lutte contre le changement climatique.

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