Le gouvernement divisé sur la taxation du gaz

La question de la fiscalité sur le gaz continue de provoquer des tensions au sein du gouvernement. Tandis que la ministre de la Transition écologique et de l’Énergie, Agnès Pannier-Runacher, plaide pour une augmentation via un amendement, Laurent Saint-Martin, ministre du Budget, a publiquement affiché son opposition à toute hausse supplémentaire. Un bras de fer qui illustre les divergences au sein de l’exécutif sur la politique énergétique du pays.

Des ministres en désaccord sur la fiscalité du gaz

La divergence de vues entre les ministres a été exposée publiquement le week-end dernier. Vendredi, Agnès Pannier-Runacher annonçait lors d’un point presse son intention de travailler sur les « niches brunes », c’est-à-dire les avantages fiscaux sur les énergies fossiles, et de proposer une hausse de la fiscalité sur le gaz via un amendement au projet de loi de finances. Le lendemain, Laurent Saint-Martin prenait la parole pour contester cette vision, affirmant qu’il n’était « pas favorable » à une telle mesure, précisant que le projet de loi de finances présenté cette semaine « ne contient pas de hausse de fiscalité sur le gaz ».

Cette dissonance ministérielle reflète un arbitrage non finalisé sur la politique fiscale des énergies fossiles. En effet, alors que le gouvernement cherche à réduire les émissions de carbone, les divergences sur la question du gaz peuvent retarder des décisions cruciales pour l’équilibre du budget de l’État, mais aussi pour le signal envoyé aux acteurs économiques et aux consommateurs.

L'électricité davantage taxée que le gaz : une contradiction

Le projet de budget présenté par le gouvernement prévoit une augmentation de la taxe sur la consommation d’électricité, qui passerait de 22,5 €/MWh à une fourchette comprise entre 30 et 50 €/MWh, selon les contrats. Pendant ce temps, le gaz reste moins taxé, à 16,37 €/MWh, alors même que cette source d’énergie est plus polluante que l’électricité en France, majoritairement décarbonée grâce au parc nucléaire.

Agnès Pannier-Runacher a justifié sa position en insistant sur la nécessité de « donner des signaux de prix cohérents entre solutions carbonées et solutions décarbonées ». Elle estime qu’une hausse de la fiscalité sur le gaz permettrait de renforcer l’incitation à se tourner vers des énergies plus vertes. Pour elle, il est essentiel que les avantages fiscaux qui subsistent sur les énergies fossiles, à l’instar de la TVA réduite sur les chaudières à gaz, soient revus pour ne pas favoriser les solutions les plus polluantes.

Laurent Saint-Martin, quant à lui, rappelle que la taxe sur l’électricité a été temporairement réduite à 1 €/MWh en 2022 dans le cadre du bouclier tarifaire instauré pour protéger les ménages durant la crise énergétique. Aujourd’hui, alors que l’inflation est stabilisée, le gouvernement a choisi de supprimer progressivement ce bouclier, augmentant ainsi la fiscalité sur l’électricité. En revanche, il ne souhaite pas que cette hausse s’étende au gaz, jugeant que les consommateurs ont déjà subi une augmentation en janvier 2024.

Quel avenir pour la fiscalité des énergies fossiles ?

La question de la fiscalité des énergies fossiles est complexe, notamment face aux obligations européennes et aux objectifs climatiques. Le projet de budget 2024 prévoit déjà une hausse de la TVA sur les nouvelles installations de chaudières à gaz, pour la porter à 20 %, en cohérence avec la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments. Cette mesure pourrait rapporter environ 200 millions d’euros, un montant bien en deçà des recettes escomptées par la hausse de la taxe sur l’électricité, estimées à plus de 3 milliards d’euros.

L’éventualité d’une hausse de la fiscalité sur le gaz par voie d’amendement reste ouverte, selon les discussions parlementaires à venir. Le ministre de l’Économie, Antoine Armand, a récemment indiqué que le Premier ministre ne s’interdisait rien et laissait la porte ouverte à des débats au Parlement. Cette flexibilité laisse entrevoir des arbitrages qui pourraient encore évoluer, en fonction des discussions et des pressions politiques.

atoo resume
En résumé

La division au sein du gouvernement sur la question de la fiscalité du gaz traduit la difficulté à concilier des objectifs budgétaires avec la transition écologique. D’un côté, Agnès Pannier-Runacher souhaite aligner les signaux fiscaux avec les engagements climatiques de la France, en augmentant la taxe sur le gaz pour inciter à la réduction des énergies fossiles. De l’autre, Laurent Saint-Martin défend une approche plus prudente, préoccupé par l’impact de nouvelles hausses sur le pouvoir d’achat des ménages.

La question de savoir si le gaz sera davantage taxé est loin d’être tranchée, mais il est clair que les évolutions fiscales à venir auront des répercussions sur les choix d’investissement dans les énergies renouvelables et la transition vers une économie bas carbone.