Découverte par Alessandro Volta (le même qui inventa la première pile électrique) en 1776, la méthanisation est un processus naturel de décomposition des matières organiques. Intrigué par ces gaz inflammables qui s’échappaient des marais près de chez lui, le chimiste et physicien Italien conçut de nombreuses expériences et fit finalement la découverte du processus de décomposition organique donnant naissance au méthane.
Depuis lors, de nombreux scientifiques ont travaillé sur la question jusqu’à l’implantation d’une toute première unité à Exeter (Grande Bretagne) au début du 20ème siècle. Mais cela fait seulement une dizaine d’année que la France s’intéresse réellement à la question, faisant suite au développement de la méthanisation en Allemagne. Aujourd’hui, la filière est encore jeune et reste discrète sur le marché des énergies renouvelables mais sa progression ces 5 dernières années démontre bien les intérêts qu’elle suscite, à différents niveaux.
Qu’est-ce que la méthanisation ?
La méthanisation est un principe de dégradation de la matière organique. Cette dégradation est opérée en conditions contrôlées par des micro-organismes en milieu anaérobie (c’est-à-dire sans oxygène). A titre d’information, le compostage est également une dégradation de matières organiques, mais cette fois avec l’apport d’oxygène (en milieu dit aérobie).
De cette dégradation de la matière organique anaérobie découle deux produits :
- Le digestat, composé de matière organique humide et partiellement stabilisé. On utilise régulièrement ce digestat après une phase de compostage pour un enrichissement des sols.
- Le biogaz qui est un mélange de gaz saturé en eau. Ce biogaz est composé de 50 à 70 % de méthane, de 20 à 50 % de gaz carbonique et de traces d’autres gaz.
Le biogaz obtenu après la dégradation des matières organiques est une source d’énergie renouvelable. Il peut être utilisé :
- Comme combustible à des fins de production d’électricité ou de réseau de chaleur ;
- Comme gaz directement injecté dans le réseau de gaz naturel ;
- Comme carburant. On l’appelle alors biométhane.
Différents déchets organiques sont susceptibles de permettre la production d’énergie verte via le processus de méthanisation et différents secteurs d’activité sont intéressés par le processus. Le secteur agricole en premier lieu avec les déjections animales et les résidus de récolte par exemple. Mais également le secteur industriel (agro-alimentaire, chimie, pharmacie…), les boues urbaines et les déchets ménagers.
Les 4 étapes de la méthanisation
La transformation des déchets organiques en biogaz se déroule en quatre phases distinctes, chacune d’entre elles étant régie par un groupe de bactéries. Ces 4 étapes sont donc déterminées par l’intervention des bactéries permettant respectivement l’hydrolyse, l’acidogénèse, l’acétogénèse et la méthanogénèse. A l’issue de ce processus, les matières non dégradées et les matières dégradées via des réactions aérobies constitueront le digestat.
L’hydrolyse
L’hydrolyse est donc la première étape biologique de dégradation anaérobie des matières organiques. Après les collectes, les intrants organiques (ou la biomasse) sont envoyés vers le digesteur à une température de 37°C. Là, le premier groupe de bactéries casse les molécules complexes (lipides, protéines, glucides et sucres) par hydrolyse et produisent des molécules plus simples (glycérols, acides aminés, acides gras…)
L’acidogénèse
Vient ensuite l’acidogénèse. Ici, ce sont les bactéries fermentatives qui vont transformer les glycérols et autres acides en alcools (éthanol et méthanol) et en acides organiques. On trouve également à ce stade des acétates, du dioxyde de carbone et de l’hydrogène, mais dans une moindre mesure.
L’acétogénèse
C’est alors que le troisième groupe de bactéries transforme les molécules d’acides organiques et d’alcools en dioxyde de carbone, en acétate et en dihydrogène. Tous les composants précurseurs de la synthèse du méthane sont dorénavant présents.
La méthanogénèse
Enfin, deux groupes de bactéries strictement anaérobies clôturent le processus de méthanisation :
- en consommant le dioxyde de carbone et l’hydrogène ;
- en produisant du biogaz à partir de l’acétate.
La méthanogénèse s’obtient donc par deux voies :
- la décarboxylation via les bactéries méthanogènes acétoclastiques ;
- la réduction du CO² via les bactéries méthanogènes hydrogénophiles.
Quelle est la part de la production de biogaz en France ?
13,1 %, c’est la part que représentent les énergies renouvelables dans la consommation d’énergie primaire en France en 2020, soit 348 TWh (Tera Watt heure). C’est presque 5 points de mieux que 10 ans auparavant. La première source d’énergie en France reste l’énergie nucléaire (pour environ 39 %), devant les produits pétroliers (28 %) et le gaz naturel (17 %).
Au sein de ces 348TWh, le biogaz représente 4 % d’une production totale dominée par le bois-énergie (33 %) et l’hydraulique renouvelable (19%). En soit, cela signifie que la production de biogaz annuelle en France est d’environ 14 TWh. Un score encore léger mais en nette progression ces dix dernières années, notamment du fait de l’injection de méthane dans le réseau de distribution du gaz naturel. Entre 2017 et 2020, la production de biométhane a presque triplé, passant de 814 à 2 539 GW/an (Giga Watt par an).
Ses nombreux avantages
Outre sa forte capacité à recycler un grand nombre de déchets organiques, la méthanisation dispose de nombreux avantages :
- Elle permet de valoriser à la fois les déchets organiques et l’énergie, en redistribuant le digestat sous forme de compost puis d’engrais naturel ;
- Elle augmente l’économie d’un coût substantiel inhérent au traitement des déchets ;
- Elle agit sur la transition écologique en contribuant à la baisse des énergies émettrices de gaz à effet de serre, de deux façons, en se substituant aux engrais chimiques et en tant que source d’énergie ;
- Elle permet le traitement de déchets organiques non compostables à la collecte ;
- Elle limite les pollutions odorantes grâce à des bâtiments hermétiques et disposant d’un traitement de l’air.
Que peut-on lui reprocher ?
Néanmoins, une unité de bio méthanisation doit être rigoureusement pensée avant sa mise en service. Outre les capitaux indispensables à la mise en œuvre d’un tel projet, plusieurs points sont à évaluer et à valider :
- La régularité de l’approvisionnement dans le temps en intrants organiques. Les concepteurs doivent pouvoir être certains de disposer de la matière organique suffisante pour rentabiliser l’unité.
- La valorisation énergétique du biogaz. Deux voies s’offrent aux maîtres d’ouvrage : la consommation locale dans une cogénération ou l’injection dans le réseau de gaz naturel (voire les deux selon les périodes de l’année et les besoins locaux).
- L’étude de la complémentarité avec l’incinération ou le stockage de déchets non dangereux mais non méthanisables.
- L’étude de la complémentarité avec le compostage de déchets organiques non méthanisables dans l’état ou avec le compostage du digestat.
- Le traitement des excédents hydriques (uniquement pour les grosses unités).
- Les traitements adaptés au biogaz selon la valorisation choisie.
Son rôle dans la transition écologique
La filière biogaz jouit d’un double intérêt :
- Pour l’environnement ;
- Et pour les territoires.
En effet, non seulement la méthanisation permet la création d’énergie verte, mais il s’agit aussi d’une énergie produite sur place, avec des déchets locaux, optimisant la gestion des déchets et augmentant la capacité de résilience énergétique des territoires. De plus, les emplois créés sur ces structures sont délocalisables et la cession de déchets organiques peut s’avérer une source de revenus complémentaires pour le secteur agricole.