Plus de trois ans après l’invasion de l’Ukraine, la Commission européenne a dévoilé une proposition législative majeure : l’interdiction totale des importations de gaz russe dans l’Union européenne d’ici fin 2027. Cette démarche vise à renforcer l’indépendance énergétique du continent tout en réduisant les revenus de Moscou issus des exportations d’hydrocarbures.
Une dépendance en net recul
Depuis 2021, la part du gaz russe dans les importations européennes a chuté, passant de 45 % à 19 % en 2024. Cette baisse devrait se poursuivre avec la fin programmée du transit via l’Ukraine et la mise en œuvre des nouvelles mesures décidées par Bruxelles. Malgré ce recul, la Russie représentait encore, en 2024, 20 % des importations de gaz naturel liquéfié de l’UE, soit environ 20 milliards de mètres cubes.
👉 Voir aussi notre article : Gaz russe : pourquoi la fin du transit via l’Ukraine ?
Une interdiction progressive et juridiquement encadrée
Pour parvenir à cet objectif sans provoquer de choc d’approvisionnement, l’exécutif européen a opté pour une approche graduelle. Dès le 1er janvier 2026, la signature de nouveaux contrats gaziers avec la Russie sera interdite. Les contrats de court terme existants devront cesser au plus tard le 17 juin 2026, tandis que les contrats de long terme prendront fin d’ici la fin de l’année 2027.
La Commission a soigneusement évité la voie des sanctions, préférant un cadre législatif adopté à la majorité qualifiée. Ce choix permet de contourner l’exigence d’unanimité qui aurait pu être bloquée par la Hongrie ou la Slovaquie, toutes deux opposées à de nouvelles restrictions.
Traçabilité et diversification au cœur du dispositif
Pour garantir l’efficacité de l’interdiction, un système de traçabilité renforcé sera mis en place, en coopération avec les autorités douanières, les régulateurs nationaux et l’agence européenne Acer. Une attention particulière est portée aux terminaux GNL, dont les services liés au gaz russe devront cesser d’ici 2028. Les pays disposant d’infrastructures clés, comme la France, l’Espagne, les Pays-Bas ou la Belgique, devront libérer de la capacité pour accueillir d’autres fournisseurs.
Chaque État membre devra, d’ici mars 2026, soumettre un plan national de diversification des sources d’approvisionnement, assorti d’un calendrier. Cette exigence vise à assurer une transition coordonnée, sans rupture d’alimentation pour les consommateurs.
Des tensions, mais une stratégie assumée
La Hongrie a critiqué le projet européen, estimant qu’il « viole complètement la souveraineté des États membres dans la définition de leurs propres politiques énergétiques », selon les propos du ministre des Affaires étrangères Peter Szijjarto.
La Slovaquie, de son côté, a exprimé ses préoccupations concernant la fin anticipée de ses contrats avec Gazprom. Son vice-ministre de l’Économie, Vladimir Simonak, a notamment évoqué un manque de clarté sur les responsabilités en cas de pénalités.
Pour faciliter la rupture des engagements, la Commission propose de permettre aux entreprises d’invoquer la force majeure sur la base de la nouvelle législation.
Dan Jorgensen, commissaire européen à l’Énergie, a tenu à rassurer lors d’un entretien accordé à l’AFP : « Nous pouvons y parvenir sans que cela entraîne une augmentation des prix pour les consommateurs ».
Une stratégie globale de découplage
Cette initiative s’inscrit dans un plan plus large de découplage énergétique de l’UE vis-à-vis de la Russie. Les importations de pétrole russe, déjà largement couvertes par les sanctions européennes, sont passées de 27 % en 2022 à 3 % en 2024. Bruxelles attend des derniers pays importateurs, comme la Hongrie et la Slovaquie, un plan de sortie d’ici fin 2027. Le secteur nucléaire reste à l’étude, mais la Commission envisage aussi de limiter l’achat d’uranium enrichi d’origine russe.
« Moins nous importons d’énergie de Russie, plus nous aurons de sécurité et d’indépendance en Europe », a affirmé Dan Jorgensen, soulignant la portée stratégique de cette nouvelle législation.
📈 En savoir plus sur notre page dédiée à l’évolution des prix du gaz en 2025