Le Sénat a récemment infligé un revers significatif au gouvernement en rejetant une disposition majeure du projet de loi de finances 2025, qui prévoyait un relèvement de la fiscalité sur l’électricité. Ce vote reflète un consensus rare entre diverses sensibilités politiques, tandis que les débats autour de la fiscalité énergétique continuent de diviser. Revenons sur les faits et les implications de cette décision.
Une opposition unanime au Sénat
Mardi soir, le Sénat s’est opposé largement à la mesure qui aurait permis au gouvernement de Michel Barnier d’augmenter l’accise sur l’électricité. Cette disposition, intégrée au budget 2025, visait à générer plus de trois milliards d’euros de recettes, mais a suscité des critiques de la part de l’ensemble des bancs. Pour compenser cette suppression, les sénateurs ont approuvé une hausse de la fiscalité sur le gaz, permettant un gain estimé à 1,2 milliard d’euros. Cette proposition, portée par le rapporteur général Jean-François Husson, met en avant la nécessité de favoriser l’électricité, considérée comme une énergie décarbonée, tout en limitant l’impact social.
Les arguments en faveur du rejet
Plusieurs élus ont critiqué la proposition du gouvernement, estimant qu’elle alourdissait injustement la facture des ménages et des entreprises. Jean-François Husson a souligné que l’augmentation de la taxe sur l’électricité aurait conduit à un manque à gagner de 200 à 300 euros pour les foyers chauffés à l’électricité, contre une hausse estimée à 60 euros pour ceux utilisant le gaz. Thierry Cozic, sénateur socialiste, a quant à lui dénoncé une mesure socialement injuste, qui aurait frappé les ménages et les professionnels déjà éprouvés par les récentes crises énergétiques.
Un dilemme pour le gouvernement
Face à ces critiques, le gouvernement a défendu sa proposition en avançant que l’accise sur l’électricité aurait pu être augmentée sans affecter directement les factures, grâce à la baisse des prix de gros sur le marché de l’électricité. Le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a rappelé l’engagement de réduire les factures d’électricité de 9 % pour 80 % des Français dès février prochain. Selon lui, maintenir la TICFE (taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité) aurait permis de concilier cet objectif avec le besoin de nouvelles recettes fiscales.
Un renoncement du Premier ministre
Suite à ces rejets successifs à l’Assemblée nationale et au Sénat, le Premier ministre Michel Barnier a annoncé qu’il renonçait à l’augmentation de l’accise sur l’électricité prévue dans le projet de loi de finances 2025. Dans un entretien au Figaro, il a déclaré : « J’ai décidé de ne pas augmenter les taxes sur l’électricité dans le projet de loi de finances 2025 ».
Cette décision intervient après de vives critiques, y compris au sein de sa propre majorité, qui jugeait la mesure socialement injuste et politiquement risquée. Le gouvernement s’engage désormais à une réduction des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) de 14 % au lieu des 9 % initialement prévus, grâce à la baisse des prix de marché. Cependant, il reste à préciser comment cet objectif sera concilié avec d’autres facteurs, notamment la hausse de 10 % des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) prévue au 1er février.
Malgré ce recul, la fiscalité de l’électricité devrait retrouver son niveau d’avant-crise, bien qu’elle puisse être ajustée pour tenir compte de l’inflation. Cette décision témoigne de la difficulté pour le gouvernement de répondre aux attentes tout en cherchant à réduire le déficit budgétaire.
Des tensions politiques croissantes
Ce rejet par le Sénat, qui constitue un premier revers d’importance pour le gouvernement, s’inscrit dans un contexte de tensions politiques croissantes. À l’Assemblée nationale, une coalition d’oppositions avait déjà voté contre la mesure, avec le soutien des députés de droite. Le Rassemblement national, en particulier, a érigé cette proposition en ligne rouge, menaçant de voter une motion de censure contre le gouvernement.
Quelles conséquences pour les professionnels ?
Cette décision du Sénat soulève plusieurs questions pour les professionnels. L’électricité, en tant qu’énergie décarbonée, reste un pilier de la transition énergétique, mais son coût demeure un facteur clé pour les professionnels. Une hausse de la fiscalité aurait pu impacter négativement la compétitivité des entreprises, en particulier celles dépendant fortement de l’électricité pour leurs activités. À l’inverse, la hausse de la taxe sur le gaz pourrait peser sur d’autres secteurs, notamment ceux liés au chauffage et à l’industrie.
Un débat loin d’être clos
Le rejet de la hausse de l’accise sur l’électricité par le Sénat marque une étape importante, mais le débat autour de la fiscalité énergétique est loin d’être clos. Entre la nécessité de financer les politiques publiques et celle de préserver le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises, le gouvernement devra trouver un équilibre. Les professionnels, quant à eux, doivent rester attentifs aux évolutions du marché de l’énergie, où chaque décision peut avoir des répercussions significatives sur leurs coûts et leur transition vers des solutions plus durables.