Les 19 et 20 septembre 2024, Paris accueille la Conférence internationale du nucléaire. Il s’agit d’un événement de grande envergure rassemblant des ministres et représentants de l’industrie nucléaire d’une quinzaine de pays. Organisée sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de la Suède, cette conférence vise à transformer en actions concrètes les engagements pris en faveur du développement du nucléaire, afin d’atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici 2050.
Un enjeu clé pour la transition énergétique mondiale
Le nucléaire, longtemps perçu comme une énergie controversée, fait désormais son grand retour sur la scène internationale. Face aux crises énergétiques et aux défis climatiques croissants, de nombreux pays réévaluent cette technologie comme un outil important pour garantir une électricité stable, peu émettrice de carbone et compatible avec les objectifs de décarbonation. La conférence, intitulée “Roadmaps to New Nuclear 2024” (Feuilles de route pour le nouveau nucléaire), est l’occasion d’explorer les moyens concrets d’accélérer la production d’énergie nucléaire.
Cette relance est d’autant plus pressante que, selon l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN) de l’OCDE, les capacités nucléaires mondiales devront tripler d’ici 2050 pour atteindre les objectifs climatiques. William D. Magwood, directeur général de l’AEN, a insisté sur le fait qu’il est temps de “passer à l’action”, tout en soulignant que “beaucoup de travail reste à faire”.
Une quinzaine de pays pro-nucléaires réunis à Paris
Des pays de premier plan comme les États-Unis, la France, le Japon, le Canada, la Corée du Sud et plusieurs membres de l’Union européenne (Pologne, Bulgarie, Hongrie, République tchèque, Estonie) se sont réunis lors de cette conférence. Des pays émergents tels que le Ghana participent également aux discussions, ainsi que des acteurs majeurs de l’industrie nucléaire, comme EDF et Orano.
Les discussions incluent également les acteurs des petits réacteurs modulaires (SMR), ces nouveaux types de réacteurs compacts qui promettent une flexibilité et une sécurité accrues pour répondre aux besoins énergétiques futurs.
L’événement s’inscrit dans la continuité de la COP28, où plusieurs pays, dont les États-Unis, la France et le Japon, se sont engagés à soutenir l’augmentation des capacités nucléaires mondiales pour lutter contre le changement climatique. La conférence de Paris représente donc un jalon important avant la prochaine COP29, qui se tiendra en Azerbaïdjan, et où les questions de financement climatique occuperont une place centrale.
Les défis à surmonter pour une relance durable
Relancer la production d’énergie nucléaire à grande échelle n’est pas sans défis. Bien que le nucléaire offre des avantages indéniables en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de sécurité énergétique, la construction de nouveaux réacteurs est coûteuse et longue.
En 2023, seuls cinq réacteurs ont été mis en service dans le monde, alors que cinq autres ont été fermés, entraînant une baisse nette d’un gigawatt de capacité. La Chine et la Russie, qui construisent actuellement la majorité des nouveaux réacteurs, se démarquent, tandis que de nombreux pays européens doivent redémarrer des projets qui avaient été suspendus.
Pour concrétiser cette relance, trois priorités majeures ont été identifiées lors de la conférence : la sécurisation des chaînes d’approvisionnement, la formation d’une main-d’œuvre qualifiée, et la mobilisation des financements nécessaires pour soutenir les projets. Comme l’a souligné Ebba Busch, vice-Première ministre suédoise, la transition vers une production nucléaire accrue représente une “fenêtre d’opportunité” pour résoudre l’équation entre objectifs climatiques ambitieux et croissance économique.
Le soutien financier, un enjeu capital
Le financement des projets nucléaires reste l’un des obstacles majeurs à la relance du nucléaire. L’an dernier, les ministres présents avaient lancé un appel à la communauté financière internationale, encourageant les banques de développement et les institutions financières à investir dans le nucléaire, une énergie perçue comme stable et résiliente face aux fluctuations des marchés fossiles.
Cette année, de nouvelles déclarations communes entre les pays participants et les industriels sont attendues, avec l’espoir de renforcer la coopération internationale et d’attirer les financements nécessaires pour accélérer la construction de réacteurs nucléaires.
Une relance indispensable pour atteindre les objectifs climatiques
Le retour en grâce du nucléaire est soutenu par des voix influentes, telles que celle de Fatih Birol, directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui voit dans le nucléaire un allié crucial pour la sécurité énergétique mondiale et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En effet, malgré les progrès des énergies renouvelables comme l’éolien et le solaire, le nucléaire reste l’une des rares solutions capables de fournir une électricité fiable, en continu, et à faible émission de carbone.
Cependant, comme l’a souligné Mycle Schneider, coordinateur d’un rapport critique sur l’industrie nucléaire, il faudra doubler la cadence actuelle de construction de réacteurs pour maintenir, voire augmenter, la capacité mondiale. Cela implique de mettre en service dix nouveaux réacteurs par an, un défi “industriellement improbable” selon lui, mais qui reste nécessaire pour maintenir la dynamique de la relance nucléaire.