À l’approche de la saison hivernale, les gestionnaires du réseau de gaz français, GRTgaz et Teréga, ont exprimé leur optimisme quant à la capacité de la France à faire face à un hiver froid. Cependant, si le niveau des stocks de gaz est rassurant, les gestionnaires ont souligné la nécessité de rester vigilants. En effet, le cours du gaz s’est emballé depuis le début de l’offensive du Hamas en Israël, laissant craindre une nouvelle crise énergétique.
Des fondamentaux rassurants sur le marché du gaz
Des niveaux de stocks élevés
Selon GRTgaz et Teréga, le système gazier français devrait être en mesure de répondre à la demande de gaz cet hiver. Il devrait également pouvoir garantir les flux de gaz vers les pays voisins, même en cas d’hiver froid.
Cette confiance s’appuie sur un niveau de stockage élevé, estimé à 95%. Elle repose aussi sur la mise en service de l’unité flottante de stockage et de regazéification du Havre prévue en octobre 2023. Néanmoins, les deux gestionnaires du réseau appellent à être prudent, car la marge de manœuvre reste faible.
Une faible demande de gaz
Pour le moment, les prévisions indiquent que les températures seront en moyenne plus élevées d’environ 1°C par rapport aux normales saisonnières françaises. Par conséquent, la demande de gaz naturel devrait être moins élevée, car les clients auront moins besoin de chauffage. Deux modèles météorologiques, à savoir ECMWF et CFS, convergent vers cette prédiction d’un hiver doux.
De plus, l’Europe n’a pas encore totalement récupéré sur le plan industriel depuis la flambée des prix de 2022. Cette flambée a été causée par le conflit en Ukraine et la coupure de l’approvisionnement en gaz via le gazoduc Nord-Stream. De nombreuses entreprises ont alors suspendu leur production, et les analystes n’anticipent pas de reprise avant 2024-2026.
Enfin, du point de vue de l’électricité, les indicateurs semblent prometteurs. Les stocks hydrauliques sont bien remplis, et la capacité de production d’électricité nucléaire en France est suffisamment élevée. Cela permet donc de compenser la fermeture des centrales allemandes et belges. Ainsi, le recours aux centrales à gaz pourrait ne pas être aussi important que d’habitude.
L’envolée des prix du gaz n’est pas encore terminée
Des tensions géopolitiques
Les approvisionnements de gaz par gazoducs ont fortement chuté en 2022 à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Cela signifie que tout nouvel événement a tendance à exercer une pression sur les prix du gaz.
Dans ce contexte, plusieurs risques liés à l’évolution des tensions géopolitiques mondiales sont identifiés, notamment les conséquences du conflit en Ukraine. Une partie des approvisionnements en gaz pour l’Europe continue de transiter par la Russie via des gazoducs traversant l’Ukraine. Si cette voie d’approvisionnement devait être perturbée en raison du conflit en cours, cela aurait un impact sur les prix du gaz naturel.
De plus, le conflit récemment déclenché au Proche-Orient, entre le Hamas et Israël, pourrait s’intensifier et dégénérer en un conflit régional. Cela aurait des conséquences sur les exportations de gaz naturel par le canal de Suez.
D’ailleurs, la fourniture de gaz depuis Israël subit des perturbations dues à la suspension des opérations de la plateforme Tamar. Cette plateforme fournit environ 60% de la consommation du pays. L’Egypte, qui dépend des importations de gaz israélien via le gazoduc EMG, a constaté une baisse de 20% de ses approvisionnements.
Cette situation a entraîné une forte hausse des prix du gaz sur le marché spot et à terme. Le contrat à terme du TTF néerlandais, qui sert de référence en Europe, a atteint son plus haut niveau en plus de six mois. En effet, il a atteint les 50 €/MWh le mercredi 11 octobre.
Il s’agit d’une hausse de plus de 40% depuis le récent point bas de 36 €/MWh enregistré début octobre. Une évolution fulgurante inscrite sur une courte période, mais qui reste à relativiser. Elle fait suite à une notable chute des prix du gaz jusqu’à début octobre, les rapprochant presque des niveaux annuels les plus bas.
Des inquiétudes quant à l’approvisionnement futur
Une autre raison de l’augmentation des prix du gaz réside dans les préoccupations concernant l’approvisionnement pour les mois à venir. En effet, des perturbations sont attendues sur le marché du gaz en raison des grèves dans la production de gaz naturel liquéfié (GNL) en Australie. Chevron, l’une des plus grandes entreprises du secteur énergétique aux États-Unis, se trouve dans une situation tendue de négociations salariales avec les travailleurs de ses sites de Gorgon et Wheatstone, situés dans l’ouest de l’Australie.
Après des mois de pourparlers infructueux, les syndicats ont annoncé que près de 91% des travailleurs sont en faveur de la grève. Ces sites australiens occupent une place cruciale dans la chaîne d’approvisionnement mondiale de GNL, contribuant jusqu’à 6% de la production globale. La grève devrait commencer ce 19 octobre et pourrait générer des tensions sur les marchés internationaux du gaz, dans un contexte où la demande augmente en prévision de la saison hivernale.
Chevron s’emploie à assurer ses activités tout en continuant les négociations. L’entreprise espère trouver un compromis dans l’intérêt de toutes les parties. Les syndicats mettent en garde contre le renforcement des mouvements de grève chaque semaine tant que leurs revendications ne seront pas satisfaites.
De plus, des problèmes sont apparus concernant un pipeline en mer Baltique (en Finlande). Les enquêteurs pensaient à une explosion, mais ils se penchent désormais sur la possibilité d’un acte de sabotage. Néanmoins, l’ampleur de la perturbation de l’approvisionnement en gaz n’est pas encore clairement évaluée. Le marché reste donc particulièrement sensible, puisque le gaz en provenance du Nord est devenu une source essentielle d’approvisionnement pour l’Europe.
L'équilibre du système dépendra de plusieurs facteurs, notamment le recours continu aux importations de gaz liquéfié (GNL), et une gestion judicieuse des réserves.Il faudra donc maintenir les efforts d'efficacité énergétique à des niveaux similaires de ceux observés l’année dernière. En cas de pic de froid en fin d'hiver, des insuffisances pourraient se produire, en particulier si les réserves sont fortement sollicitées en début de saison.Les risques géopolitiques et les perturbations liées à l’approvisionnement sont bel et bien présents, mais ils demeurent, pour le moment, difficiles à quantifier.