Lorsque l’invasion de l’Ukraine a débuté, les pays de l’Union européenne avaient fixé comme objectif de réduire complètement leur dépendance vis-à-vis des ressources énergétiques russes d’ici 2027, en commençant par le gaz. Cependant, les actions entreprises depuis le début de l’année ne semblent pas aller dans cette direction. En effet, de récentes données montrent que les achats européens de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance de Russie ont augmenté de manière significative.
Une augmentation de 40% des importations de GNL russe
Au début de la guerre en Ukraine en février 2022, l’Europe s’était engagée à réduire sa dépendance au gaz russe. Dans les faits, cette volonté d’émancipation, inscrite dans le programme « REPowerEU », a été partiellement accomplie. En effet, quand on observe l’évolution de la consommation de gaz russe, on constate qu’en 2021, 45% du gaz importé par l’UE venait de Russie. Aujourd’hui, cette part est tombée à 15%, même si la moitié de ces importations est du GNL russe, allant donc à l’encontre de l’objectif d’indépendance.
Alors que l’UE s’était d’abord tournée vers le Qatar et les Etats-Unis pour se procurer du GNL, elle a fini par avoir recours au GNL russe. Au premier semestre 2023, les importations de GNL russe ont d’ailleurs augmenté de 40% par rapport au premier semestre 2021. En effet, depuis le début de l’année, les exportations de GNL russe vers les pays membres représentent 5,29 milliards d’euros.
Cette hausse de 40% s’explique notamment par les différences de stratégie mises en place dans les pays de l’UE. Si la France a réduit de 13% ses importations de GNL russe, la Belgique et l’Espagne les ont respectivement augmentées de 163% et 102% sur la même période. C’est pourquoi, l’UE est le premier importateur de gaz russe au monde sur la période allant de janvier à juillet 2023. L’objectif de s’émanciper du gaz russe d’ici 2027 est donc loin d’être acquis.
Pourquoi l’Europe achète encore du GNL russe ?
Le GNL acheté par les états membres provient exclusivement du champ gazier de Yamal, situé en Sibérie. La gestion de ce champ est assurée par Novatek, un groupe russe privé qui n’a aucun lien financier direct avec Gazprom, ni avec le gouvernement russe. TotalEnergies détient d’ailleurs une participation de 20% dans ce vaste projet, l’un des plus importants au monde, et dispose de droits d’extraction de GNL représentant 23%. Par conséquent, le groupe pétrolier français commercialise en Europe 4 millions de tonnes de GNL produites à partir de ce champ sibérien. En somme, 80% du GNL de Yamal est exporté vers l’Europe, tandis que le reste est vendu à China National Petroleum Corporation (CNPC), une entreprise chinoise.
Il est important de noter que le GNL russe est soumis à des taxes beaucoup plus faibles que le gaz transporté par gazoduc. Cela génère donc des revenus quatre fois moins importants pour le Trésor russe. Ce sont donc surtout les entreprises privées qui en tirent des avantages économiques. Ainsi, le groupe privé Novatek, qui n’a aucun lien avec le Kremlin, est le principal bénéficiaire de cette augmentation des achats de GNL.
Selon TotalEnergies, interdire les importations de GNL russe avant 2025 serait “déraisonnable”
Lors d’une récente conférence à Paris, le PDG de TotalEnergies a évoqué la difficulté immédiate de remplacer le GNL russe, tout en soulignant qu’à l’avenir, une plus grande offre permettra cette transition. Actuellement, de nouveaux projets de GNL sont en cours de développement dans le monde, mais la plupart ne seront opérationnels qu’à partir de 2025.
Bien que l’UE ait interdit l’importation de pétrole et de charbon russes, les livraisons de GNL restent autorisées. Cependant, certains pays encouragent les entreprises à ne pas conclure de nouveaux contrats et à progressivement mettre fin aux contrats existants.
L’Europe continue d’importer annuellement entre 15 et 20 millions de tonnes de GNL russe, ce qui représente 10 à 15% de ses importations totales de GNL. Les importations européennes de GNL se sont élevées à 115 millions de tonnes en 2022. Les données de suivi des navires montrent que l’Europe (à l’exclusion de la Turquie) a importé 20,7 milliards de mètres cubes de GNL en provenance de Russie l’année dernière, sur un total de 166 milliards de mètres cubes toutes provenances confondues.
Les importations de GNL russe en Europe entre janvier et août 2023 ont légèrement augmenté par rapport à la même période de l’année précédente, atteignant 14,8 milliards de mètres cubes.
Le PDG de TotalEnergies a affirmé que tant que les autorités européennes ne sanctionnent pas l’importation de GNL russe et demandent son approvisionnement, le groupe continuera de le fournir tout en respectant les sanctions européennes.
En résumé, TotalEnergies est engagée à fournir du GNL russe à l’Europe tant que les sanctions ne l’interdisent pas, mais la transition vers d’autres sources d’énergie est envisagée à mesure que de nouveaux projets de GNL dans le monde se développent.