L’Union européenne s’apprête à franchir un tournant stratégique avec la présentation de sa feuille de route pour sortir de la dépendance à l’énergie russe. Attendu depuis plusieurs mois, ce plan soulève autant d’espoirs que d’interrogations, dans un contexte énergétique tendu et géopolitiquement sensible.
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Une dépendance persistante au gaz liquéfié russe
Depuis l’instauration de l’embargo sur le pétrole russe fin 2022, l’Europe a redoublé d’efforts pour réduire sa consommation d’énergies fossiles en provenance de la Russie. Toutefois, le gaz naturel liquéfié (GNL), acheminé par bateau, reste un point faible dans cette stratégie. D’après l’IEEFA, près de 20 % du GNL consommé en Europe en 2024 provient encore de Russie. Les États-Unis arrivent en tête, avec plus de 45,3 % des volumes importés.
L’Union européenne avait envisagé, depuis plusieurs mois, d’augmenter ses importations de GNL américain. Mais les tensions commerciales avec les États-Unis sous la présidence Trump ont freiné les discussions. « Nous sommes tous d’accord pour dire que nous devons nous débarrasser du gaz de Poutine », a déclaré l’eurodéputée danoise Sigrid Friis, membre du groupe Renew Europe.
Une feuille de route qui se fait attendre
Attendue depuis plusieurs mois, la présentation du plan européen a été reportée à plusieurs reprises, notamment en raison de désaccords internes et de la complexité géopolitique.
Elle doit finalement avoir lieu le 6 mai 2025, en marge d’une session du Parlement européen à Strasbourg, où elle sera présentée par le commissaire Dan Jorgensen.
Ce plan vise à réduire la dépendance énergétique de l’Union européenne à la Russie, y compris au gaz naturel liquéfié. Plusieurs pistes sont évoquées en amont de son annonce, mais aucune décision officielle n’a encore été rendue publique.
Un consensus difficile à atteindre
La mise en place d’un embargo sur le GNL russe impose une condition stricte : l’unanimité des 27 États membres. Mais certains pays, comme la Hongrie, entretiennent des liens étroits avec Moscou.
Par ailleurs, plusieurs États membres présentent une forte dépendance au GNL russe, ce qui complique davantage l’obtention d’un consensus au niveau européen. Face à cette difficulté, Simone Tagliapietra, expert en affaires européennes au centre de réflexion Bruegel, estime qu’une hausse importante des droits de douane sur les importations de gaz russe (GNL et gazoducs) pourrait être la solution la plus réaliste pour l’Union européenne.
Le cas français : entre dépendance et rôle stratégique
La France, avec ses cinq terminaux de regazéification, figure parmi les pays les plus actifs dans l’importation de GNL en Europe. D’après l’IEEFA, ses achats de GNL russe ont augmenté de 81 % entre 2023 et 2024, générant 2,68 milliards d’euros de recettes pour la Russie.
Une réduction en cours mais encore incomplète
Selon Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, l’UE est parvenue à réduire fortement ses importations d’énergies fossiles russes.
« Nous avons réduit nos importations de gaz de Russie de 45 % à seulement 18 % (gazoducs et GNL). Nous sommes passés d’un baril de pétrole sur cinq à un baril sur cinquante », a-t-elle souligné lors d’une intervention à Londres, fin avril.
Malgré ces progrès, elle reconnaît que le chemin vers l’autonomie énergétique est encore long.
En attendant le plan, l’Europe retient son souffle
L’annonce prochaine de cette feuille de route est scrutée de près, tant par les États membres que par les acteurs du secteur énergétique. Son contenu pourrait marquer un tournant décisif pour la politique énergétique européenne. Reste à savoir si les 27 États membres de l’Union européenne parviendront à s’accorder, dans un contexte où les enjeux géopolitiques, économiques et climatiques sont étroitement liés.