Lors de l’Assemblée Générale de France Hydrogène en février dernier, le ministre délégué chargé de l’Industrie, Roland Lescure, a proposé la mise en place d’un programme de travail collaboratif avec le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, ainsi que la ministre de la Transition Energétique, Agnès Pannier-Runacher, dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale de l’hydrogène. Pour rappel, France Hydrogène est une association composée d’acteurs de la filière française de l’hydrogène qui souhaitent accélérer le développement de solutions hydrogènes pour réussir la transition énergétique.
Ayant pour projet de décarboner l’industrie, le gouvernement a fixé l’objectif de réduire les émissions du secteur de 81% d’ici 2050, par rapport à 2015. L’hydrogène décarboné est une des solutions envisagées pour réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère.
L’hydrogène décarboné, qu’est-ce que c’est ?
L’hydrogène est un gaz incolore et indolore, largement répandu sur Terre. Bien qu’il soit rarement présent à l’état pur, il entre dans la composition de l’eau et des hydrocarbures. Produit à partir d’énergies fossiles telles que le gaz naturel, le charbon ou encore le pétrole, il est l’élément chimique le plus léger. Aujourd’hui, l’hydrogène est principalement utilisé dans la production d’ammoniac (pour les engrais), de carburant, de méthanol et pour le raffinage de produits pétroliers. Le marché mondial de l’hydrogène industriel est estimé à 70 millions de tonnes par an, avec près de 1 million de tonnes pour le marché français.
On parle d’hydrogène décarboné lorsqu’il est issu d’un procédé qui n’émet pas de CO2, comme lorsqu’il est produit par électrolyse de l’eau, à partir d’électricité renouvelable ou décarbonée.
Les différents usages de l’hydrogène
L’hydrogène, qui renferme pourtant trois fois plus d’énergie que l’essence, est considéré comme le carburant du futur. En effet, il s’agit d’un gaz qui détient des propriétés chimiques offrant un intérêt énergétique majeur. Il est considéré comme un “vecteur énergétique” puisqu’une fois qu’il a été produit, il peut être stocké, transporté et utilisé. L’énergie contenue dans l’hydrogène peut être récupérée de deux façons différentes, soit en le brûlant, ou soit par une pile à combustible.
Grâce aux progrès de la technologie, l’hydrogène peut être produit par électrolyse de l’eau c’est à dire à partir d’énergie renouvelable ou décarbonée. Dans ce cas, sa production et son utilisation n’émettent pas de CO2. L’hydrogène décarboné peut donc permettre d’atteindre les objectifs que la France s’est fixée en matière de réductions de gaz à effet de serre et de consommations d’énergies fossiles, mais aussi dans une logique de développement des énergies renouvelables.
Aujourd’hui, l’hydrogène est presque exclusivement utilisé dans l’industrie chimique et le raffinage. Cependant, s’il est décarboné, il peut être valorisé dans d’autres usages :
- Gaz : À l’avenir, l’hydrogène produit pourra être injecté dans le réseau de gaz, soit en étant mélangé au méthane, soit en étant utilisé dans des réseaux spécifiques. Des études sont en cours afin d’évaluer les effets sur la sécurité de cette pratique.
- Carburant propre : En utilisant une pile à combustible alimentée par l’hydrogène, de l’électricité va être générée et de l’eau va être rejetée par le processus chimique. C’est grâce à cette technologie que l’hydrogène pourra fournir l’énergie nécessaire aux véhicules équipés de piles à combustible, et permettre une mobilité sans émission de polluants.
- Stockage d’énergie : l’hydrogène décarboné, produit par électrolyse de l’eau, peut être stocké sous forme liquide ou forme gazeuse avant de contribuer à produire de l’électricité grâce à une pile à combustible. Il s’agit donc d’un moyen de stockage prometteur pour les énergies renouvelables intermittentes. En effet, l’hydrogène permettra de stocker l’électricité produite par le solaire et l’éolien de façon à faire coïncider l’offre et la demande.
L'hydrogène pour booster la transition énergétique
L’utilisation de l’hydrogène vert est l’une des solutions envisagées pour réduire massivement les émissions de CO2 des industries les plus polluantes. Cette technologie innovante est la seule capable de fournir des solutions permettant de réduire à zéro les principales sources d’émissions nationales telles que les industries de sidérurgie, engrais, ciment, ainsi que les mobilités lourdes comme le transport longue distance et les activités aériennes. De plus, l’hydrogène vert représente une opportunité économique pour le développement d’une filière dédiée et la création d’emplois. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, a d’ailleurs indiqué :
“ L’hydrogène est la plus emblématique des technologies de rupture de la décarbonation. Il devient aujourd’hui le vecteur énergétique indispensable de la décarbonation de l’industrie et permet également de résoudre le dilemme de la décarbonation du transport lourd à longue distance. Mais c’est aussi une technologie naissante, et pour assurer son succès, nous devons établir une stratégie qui permette de programmer le déploiement de l’hydrogène et anticiper au mieux les évolutions futures qui affecteront la filière.”
La stratégie pour faire de la France un leader de l’hydrogène décarboné
En novembre dernier, Emmanuel Macron a annoncé un objectif ambitieux de décarbonation pour le secteur industriel : diviser par deux les émissions de CO2 dans les dix prochaines années pour atteindre l’objectif zéro émission nette en 2050. Pour y parvenir, plusieurs technologies innovantes ont été identifiées, dont l’hydrogène décarboné qui est considéré comme une technologie de rupture. Aujourd’hui, la production mondiale d’hydrogène émet une grande quantité de CO2, puisque seulement 1% de la production d’hydrogène est “verte” sur les 116 millions de tonnes produites chaque année dans le monde.
Passer de l’hydrogène issu des énergies fossiles à l’hydrogène décarboné
L’hydrogène est largement utilisé dans l’industrie pétrolière et chimique en France, avec une consommation annuelle d’environ 900 000 tonnes. Cependant, la production actuelle utilise principalement des énergies fossiles, émettant plusieurs millions de tonnes de CO2 par an. La production d’hydrogène par électrolyse de l’eau à partir d’électricité bas carbone ou renouvelable est peu développée, car son coût est trois à six fois plus élevé que la production par vaporeformage du gaz naturel. Des progrès sont attendus pour réduire les coûts de production de l’hydrogène décarboné, notamment en améliorant le rendement énergétique et la puissance des électrolyseurs. L’électrolyse de l’eau est d’ailleurs considérée comme l’avenir de la filière hydrogène, car elle permet une production massive sans émission de CO2. En France, la part de l’électrolyse est plus importante que dans le reste du monde, représentant 6% des volumes.
Des investissements forts pour devenir leader de l’hydrogène décarboné
Depuis 2017, la France a investi massivement dans le développement de l’hydrogène et s’est hissée dans le trio de tête de l’hydrogène au niveau mondial en termes de R&D, de brevets et d’équipementiers. En 2018, elle a été l’un des premiers pays industrialisés à se doter d’un plan hydrogène, puis en 2020, elle a élaboré une stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné, qui a été renforcée par la Première ministre dans le cadre de France 2030.
Avec un investissement de neuf milliards d’euros et en s’appuyant sur ses laboratoires de recherche et ses industriels innovants, la France vise à devenir un leader mondial de l’hydrogène renouvelable et bas carbone par électrolyse, en créant une filière compétitive. Elle ambitionne également de posséder sur son territoire au moins quatre giga-usines d’électrolyseurs et l’ensemble des technologies nécessaires à l’utilisation de l’hydrogène.
La stratégie nationale hydrogène vise à développer les technologies de l’hydrogène pour accélérer la transition écologique et créer une filière industrielle dédiée. Elle fixe trois objectifs :
- Installer suffisamment d’électrolyseurs pour contribuer à la décarbonation de l’économie,
- Développer les mobilités propres pour les véhicules lourds,
- Construire une filière industrielle créatrice d’emplois et garante de notre maîtrise technologique.
Ces objectifs représentent un triple enjeu pour la décarbonation de l’industrie, de la mobilité intensive et pour la souveraineté, avec la création de 50 000 à 150 000 emplois sur le territoire.