Evoquée par l’ancien ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, l’idée d’une nouvelle taxe sur les installations de production d’électricité a refait surface en ce mois de septembre. Ce projet, surnommé la « taxe EDF », fait réagir les principaux acteurs du secteur énergétique, notamment EDF, Engie et TotalEnergies, qui craignent des répercussions importantes sur leurs capacités d’investissement et la transition énergétique en France.
Taxer les installations de production d'électricité : un projet controversé
Cette nouvelle taxe, inspirée de la « contribution sur les rentes inframarginales » (Crim) mise en place durant la crise énergétique de 2022, viserait spécifiquement les installations dépassant une capacité de 260 mégawatts, touchant principalement les centrales nucléaires d’EDF, les barrages hydrauliques et certaines centrales thermiques. Contrairement à la Crim originale, qui taxait les bénéfices exceptionnels liés à la flambée des prix de l’énergie, cette nouvelle version se focaliserait sur la puissance installée, indépendamment des prix du marché.
Si cette taxe voyait le jour, EDF supporterait à elle seule 90% de la charge fiscale, une situation jugée inquiétante par Luc Rémont, PDG d’EDF. Lors de son audition devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, il a mis en garde contre les conséquences que cette mesure pourrait avoir sur les investissements du groupe. EDF est déjà fortement régulée, devant vendre deux tiers de sa production en dessous de ses coûts, une contrainte qui limite sa marge de manœuvre financière.
Des investissements en péril
L’impact potentiel de cette taxe sur les investissements dans les infrastructures énergétiques est au cœur des préoccupations. EDF, déjà confrontée à une dette colossale de 54,2 milliards d’euros, doit mobiliser environ 25 milliards d’euros par an pour soutenir ses projets de relance du nucléaire, avec la construction de six réacteurs EPR2 et la possibilité de huit autres à long terme. Si cette nouvelle taxe venait s’ajouter aux contraintes existantes, les investissements nécessaires pour moderniser et développer le parc énergétique pourraient être compromis, mettant en péril la sécurité énergétique du pays.
Les autres acteurs du secteur partagent cette inquiétude. Pour eux, cette taxe enverrait un signal négatif aux investisseurs, risquant de freiner les projets d’envergure indispensables pour répondre aux objectifs climatiques de la France. En effet, le développement des énergies renouvelables et des nouvelles technologies de stockage exige des investissements massifs, que cette mesure pourrait sérieusement entraver.
Un signal contraire à la transition énergétique
Au-delà des enjeux financiers, les industriels du secteur pointent un problème de cohérence avec la politique de transition énergétique de la France. Taxer des installations qui participent à la décarbonation du mix énergétique serait un « contresens climatique », selon les producteurs. Cette mesure risquerait non seulement de freiner le développement des énergies renouvelables, mais aussi de ralentir les efforts pour atteindre les objectifs climatiques fixés par le gouvernement français.
La présidente de l’Union française de l’électricité (UFE), Christine Goubet-Milhaud, a d’ailleurs exprimé son opposition à cette taxe dans un courrier adressé au Premier ministre, arguant que cette décision pourrait nuire à l’indépendance énergétique et à la souveraineté de la France à long terme.
Quels impacts pour les consommateurs ?
Une autre conséquence redoutée par les acteurs du secteur concerne les prix de l’électricité. En augmentant les coûts de production, cette nouvelle taxe pourrait se répercuter sur les factures des entreprises et des ménages. Alors que les consommateurs font déjà face à des hausses régulières des prix de l’énergie, une telle mesure risquerait d’aggraver la situation, particulièrement pour les professionnels dont l’activité est fortement dépendante de l’électricité.
Bien que les discussions autour de cette nouvelle taxe soient encore en cours, son impact potentiel sur le secteur énergétique ne peut être ignoré. Les producteurs d’électricité, en particulier EDF, redoutent une réduction de leur capacité à investir dans les infrastructures nécessaires à la transition énergétique, tout en soulignant les conséquences possibles pour les consommateurs. La mise en place d’une telle mesure fiscale pourrait ainsi avoir des effets à la fois économiques et climatiques, remettant en cause les efforts de la France pour atteindre ses objectifs de neutralité carbone. Une réflexion approfondie est donc nécessaire pour concilier impératifs budgétaires et enjeux énergétiques de long terme.