Sécheresse : Quels risques pour le marché de l’énergie ? 

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Alors que la France vient de traverser une sécheresse hivernale, elle devrait connaitre une sécheresse estivale encore plus importante que celle de 2022. Ce phénomène de sécheresse a de nombreuses répercussions sur la production d’énergie française, puisque les secteurs nucléaire et hydraulique sont particulièrement touchés. Des hausses de prix de l’énergie sont donc attendues pour cet été.  

Sécheresse : quelle est la situation en France ?

Durant l’été 2022, la France a connu une sécheresse historique. En effet, cette sécheresse s’est expliquée par une anomalie anticyclonique et une absence de pluviométrie de 85% par rapport à la normale enregistrée au mois de juillet. La température moyenne de l’année a également été plus élevée qu’en 2020, atteignant 14,4 degrés. 

Tous les mois de l’année 2022 ont été plus chauds que la normale, à l’exception de janvier et d’avril. Le début de l’année 2023 a, quant à lui, été marqué par une rareté historique de précipitations en France. En effet, en février 2023, il n’y a pas eu de pluie significative pendant 32 jours consécutifs. Il s’agit d’un nouveau record, toutes saisons confondues, dépassant le précédent record, établi en 2020, de 31 jours sans pluie significative, entre le 17 mars et le 16 avril. Ce record soulève ainsi des questions sur l’accès à l’eau pour la population, l’état des sols, ainsi que sur l’intensité des orages et des incendies à l’approche de l’été. 

Au cours de l’hiver 2022-2023, les températures douces ont retardé l’utilisation des systèmes de chauffage dans les logements et autres bâtiments. De ce fait, la consommation énergétique française a chuté de 9% entre octobre et février, témoignant ainsi de l’efficacité des mesures de sobriété énergétique mises en place. La douceur du temps a donc été une opportunité bénéfique en termes d’énergie. Néanmoins, EDF a prévu une production nucléaire pour 2023 qui devrait être inférieure de 13% par rapport à celle de 2019, puisqu’elle est comprise entre 300 et 330 TWh. 

En revanche, l’hiver sec a été marqué par un taux d’ensoleillement bien plus élevé que d’habitude, impactant positivement la production d’énergie solaire. Cette sécheresse hivernale a toutefois eu un impact sur la production énergétique française, notamment dans les secteurs nucléaire et hydroélectrique. L’été 2023 s’annonce donc extrêmement compliqué puisque le niveau de certaines nappes phréatiques est au plus bas. En effet, les rares pluies de l’hiver n’ont pas pu recharger les nappes phréatiques, ce qui est inquiétant au vu de la sécheresse qui risque de s’abattre sur le territoire pendant l’été. 

L'impact de la sécheresse sur la production d'énergie

La sécheresse peut impacter les prix du marché de l’énergie de diverses manières. Elle peut influencer la production d’énergie, tant pour les sources renouvelables telles que l’énergie solaire, éolienne et hydroélectrique, que pour les sources d’énergie fossile comme le gaz naturel. Les professionnels du secteur de l’énergie sont préoccupés par la situation tendue des ressources énergétiques en France à l’approche de l’été. En effet, la baisse de production d’énergie ainsi que l’augmentation de la demande en cas de chaleur accrue peuvent engendrer une augmentation des prix de l’énergie.  

La production nucléaire

Grâce aux températures clémentes de l’hiver 2022-2023, le recours au chauffage a été retardé. Cela a été bénéfique pour la production nucléaire, et encore plus dans une démarche de sobriété énergétique. En effet, dans un contexte de production nucléaire en berne, la France a pu réduire sa consommation d’énergie. Néanmoins, les centrales nucléaires ont besoin d’eau afin de refroidir leurs installations. Elles prélèvent alors de l’eau provenant de sources comme la mer ou les cours d’eau, puis rejettent cette eau plus chaude qu’elle ne l’était initialement, sous forme liquide ou gazeuse. En plus de cela, ces centrales produisent des déchets chimiques et radioactifs qui sont évacués de manière contrôlée dans les cours d’eau ou en mer. Cependant, lors d’une période prolongée de canicule ou de sécheresse, le niveau des cours d’eau diminue et leur température augmente, ce qui peut avoir des conséquences négatives sur les écosystèmes. Les centrales nucléaires doivent donc s’adapter à ces conditions climatiques instables, qui sont de plus en plus fréquentes en raison du changement climatique. 

Malgré des effets limités sur la production, les vagues de chaleur ont déjà montré leur capacité à causer des problèmes. L’année dernière, dès le début du mois de mai, EDF a dû réduire la production d’un des réacteurs de la centrale du Blayais (Gironde), située près de la Garonne, pendant quelques heures pour limiter le rejet d’eau chaude dans un fleuve qui avait déjà un débit réduit en raison de la chaleur. En juin, la même situation s’est produite à la centrale de Saint-Alban (Isère), sur le Rhône. Bien que ces mesures ne soient pas inhabituelles, elles surviennent normalement plus tard dans la saison estivale. Selon des études citées par la Cour des comptes, les incidents liés au changement climatique pourraient être multipliés par trois d’ici 2050. En juillet et août derniers, plusieurs centrales nucléaires françaises ont reçu des autorisations exceptionnelles de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour dépasser les limites de température des eaux rejetées dans les cours d’eau. Si ces dérogations ont pu être accordées, c’est qu’il y avait un risque pour la capacité de production 

La production hydraulique

L’hydraulique, première source d’énergie renouvelable en France, est particulièrement vulnérable à la sécheresse. En 2022, la production hydroélectrique a atteint son plus bas niveau depuis 1976, avec 49,6 TWh, soit une baisse de 20% par rapport à la moyenne 2014-2019, selon RTE. D’autre part, au mois de février dernier, le stock hydraulique était inférieur de 10 à 17% par rapport au niveau de 2022, ce qui peut affecter la production hydroélectrique.  

L’eau est considérée comme le combustible de la production hydraulique, c’est pour cela qu’en cas de sécheresse, les installations produisent moins et les barrages stockent moins d’eau. De plus, l’absence de neige en hiver complique le remplissage des barrages. Bien que le secteur ait été crucial pour éviter les coupures d’électricité l’hiver dernier, il est peu probable que l’on mise davantage sur l’hydraulique, car il est difficile de prédire l’impact des aléas climatiques sur sa production. Les stocks ont atteint des niveaux historiquement bas en juillet, mais sont revenus à des niveaux moyens à l’automne, selon le bilan du gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) en 2022. Par ailleurs, EDF a annoncé que la situation ne risquait pas de s’améliorer en 2023. 

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Source : Statista

Les solutions envisagées pour lutter contre la sécheresse

Les énergies renouvelables

La sécheresse hivernale de cette année a été accompagnée d’un fort ensoleillement. En février, le taux moyen d’ensoleillement en France a dépassé de 33% la moyenne établie entre 1990 et 2020. Cette situation a entraîné une augmentation de la production d’énergie solaire. La production d’électricité solaire a d’ailleurs augmenté de 34% par rapport à l’année précédente. Toutefois, cette augmentation doit être relativisée en raison de l’augmentation du nombre d’installations photovoltaïques en un an. 

À mesure que les effets du réchauffement climatique s’intensifient, les épisodes de sécheresse devraient augmenter au cours de la décennie à venir. Ces périodes de sécheresse récentes ont perturbé la production d’électricité en Europe, soulignant ainsi la nécessité de diversifier les sources d’approvisionnement énergétique. Les énergies renouvelables, comme le solaire et l’éolien, peuvent renforcer la sécurité énergétique en réduisant la dépendance aux combustibles fossiles importés et en protégeant les économies européennes des risques géopolitiques. De plus, l’utilisation de sources d’énergie à faible émission de carbone, telles que l’énergie éolienne et solaire, contribuera à limiter le réchauffement climatique et à atténuer l’impact des risques physiques sur l’économie à long terme. Contrairement aux énergies fossiles, ces sources d’énergie renouvelable sont inépuisables une fois que les technologies nécessaires sont développées. Toutefois, les énergies renouvelables peuvent présenter des limites car leur production est fluctuante. En effet, la capacité à répondre à la demande d’électricité avec la production éolienne, par exemple, dépend de facteurs tels que la localisation et les conditions météorologiques. Cela souligne l’importance d’un mix énergétique diversifié, où des solutions multi-technologiques utilisant différentes sources d’énergie, généralement indépendantes, peuvent garantir la stabilité du système. 

De plus, il est essentiel d’améliorer la flexibilité du réseau et d’investir dans des technologies de stockage d’énergie. Les mécanismes de stockage et les centrales de secours jouent un rôle crucial, en particulier pendant les périodes de faible vent et d’ensoleillement. Ces technologies permettent de résoudre le problème de la saisonnalité des énergies renouvelables.  

Les prévisions de RTE face à l’augmentation de la consommation d’électricité

Les besoins croissants en électricité d’un côté et les incertitudes sur les capacités de production électrique de l’autre soulignent l’enjeu majeur de l’électrification en France. RTE a récemment transmis ses hypothèses de travail pour son bilan prévisionnel jusqu’en 2035, dans un contexte de choix énergétiques majeurs pour la France. Dans son document de cadrage, RTE mentionne plusieurs éléments de contexte qui modifient profondément les perspectives d’évolution du système énergétique français et européen à court et moyen terme, tels que la guerre en Ukraine, les politiques de décarbonation en Europe, et les changements de politique énergétique gouvernementale. 

Les prévisionnistes de RTE soulignent leur inquiétude face à la forte augmentation de la consommation d’électricité d’ici à 2035, et la question de garantir un approvisionnement suffisant pour la France sur cette période. Bien que la France ait historiquement été un pays exportateur d’électricité, les incertitudes persistantes sur la disponibilité du nucléaire et la mise en service de nouveaux moyens de production, combinées aux ambitions élevées d’électrification et de réindustrialisation, pourraient réduire les marges de production d’électricité en France. Ce scénario est crédible, comme en témoigne l’année 2022 où la France a dû importer massivement de l’électricité pour compenser la baisse de production d’EDF, devenant pour la première fois importatrice d’électricité. Le bilan prévisionnel de RTE, attendu cet été, éclairera les chantiers en cours sur le plan énergétique en France.