La France ralentit sur la voie de la décarbonation

Décarbonation France

Après une année 2023 marquée par une forte baisse des émissions de gaz à effet de serre, la dynamique climatique de la France connaît un net ralentissement en 2024. Un tournant préoccupant alors que les objectifs européens se resserrent et que la neutralité carbone en 2050 semble encore lointaine.

En 2023, selon le Citepa (Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique), les émissions de gaz à effet de serre en France ont diminué de 5,8 % par rapport à 2022. Cette baisse notable s’expliquait principalement par la remise en service de plusieurs réacteurs nucléaires, mais aussi par des prix de l’énergie élevés, qui ont encouragé une forme de sobriété énergétique. Pour autant, cette amélioration restait insuffisante pour remettre la France sur la trajectoire de réduction des émissions définie par la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC).

2024 : un ralentissement préoccupant

Selon Citepa, le bilan provisoire pour 2024 montre une baisse des émissions limitée à 1,8 %, dans un contexte de records de chaleur à l’échelle mondiale. Le secteur de l’industrie et de l’énergie a été le principal contributeur de cette réduction, avec une chute de 11,6 % des émissions. En revanche, les secteurs du transport, du bâtiment et de l’industrie lourde ne suivent pas la même dynamique.

La France totalise environ 366 millions de tonnes équivalent CO2 en 2024, alors qu’elle devrait réduire ses émissions d’au moins 15 Mt CO2e par an d’ici 2030 pour respecter la trajectoire fixée par le Haut Conseil pour le climat.

Des efforts encore trop dispersés

Malgré les annonces du gouvernement, notamment la tenue prochaine d’un Conseil de planification écologique, les leviers d’action restent limités. La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, reconnaît les difficultés structurelles liées aux transports et au bâtiment.

Par ailleurs, la capacité d’absorption des puits de carbone naturels, comme les forêts et les sols, continue de diminuer, aggravant le déséquilibre.

Une stratégie nationale à revoir

La SNBC doit être révisée pour viser 270 Mt CO2e d’émissions brutes en 2030. Or, les données 2024 n’intègrent pas encore les émissions issues de l’agriculture et des déchets, qui pourraient faire évoluer ce chiffre. Dans le même temps, l’Union européenne prévoit de rehausser ses ambitions climatiques, ce qui imposera à la France des réductions encore plus importantes.

D’après l’ONU, en l’absence de changement majeur, la planète s’oriente vers un réchauffement de +3°C, bien au-delà des +1,5°C prévus par l’Accord de Paris.

Croissance et décarbonation : un équilibre à trouver

Pour Denis Ferrand (Rexecode), la France pourrait accélérer sa décarbonation en optimisant ses politiques publiques et en valorisant son mix électrique faiblement carboné. Cela permettrait de relocaliser des industries stratégiques tout en stimulant la croissance économique.

Mais le sondage Ifop-NoCom montre que les préoccupations écologiques reculent dans l’esprit des Français face à d’autres priorités. Cette désaffection, combinée à un contexte géopolitique tendu et à des finances publiques fragiles, complexifie la mise en œuvre des investissements nécessaires (estimés à 60 à 80 milliards d’euros par an).

Vers une stratégie ciblée et efficiente

La France dispose actuellement de plus de 200 mesures dédiées à la décarbonation, pour un budget global estimé à 34 milliards d’euros. Toutefois, la dispersion de ces actions limite considérablement leur efficacité. Il devient donc essentiel de concentrer les efforts sur les leviers les plus efficaces en matière de réduction des émissions, tout en renforçant l’investissement dans l’innovation.

Dans cette perspective, la France doit également s’appuyer sur des stratégies de localisation industrielle et sur la réduction des émissions importées, afin que sa contribution à la décarbonation mondiale gagne en efficacité.

atoo resume
En résumé

Après une baisse notable des émissions de gaz à effet de serre en 2023, la France connaît en 2024 un net ralentissement de sa dynamique climatique, avec une réduction limitée à 1,8 %. Les efforts restent concentrés sur l’énergie et l’industrie, tandis que les secteurs du transport, du bâtiment et de l’agriculture peinent à suivre. Malgré plus de 200 mesures existantes, la dispersion des actions nuit à leur efficacité. Face à des objectifs européens renforcés et à un risque de réchauffement global de +3°C, la France doit revoir sa stratégie climatique, renforcer ses investissements et mieux articuler transition écologique et relocalisation industrielle.