La France, première porte d’entrée européenne du GNL russe ?

France 1er importateur de GNL russe en 2024

En 2024, la France s’est imposée comme le principal point d’entrée du gaz naturel liquéfié (GNL) russe en Europe, surpassant l’Espagne. Selon le groupe de réflexion IEEFA (Institute for Energy Economics and Financial Analysis), l’Hexagone a vu ses importations de GNL en provenance de Russie bondir de 81 % en un an. Cette augmentation significative met en lumière le rôle central de la France dans le transit de cette énergie stratégique vers le reste du continent.

L’une des raisons majeures expliquant cette position dominante est la capacité d’importation et de regazéification dont dispose la France. Le pays exploite actuellement cinq terminaux méthaniers, parmi lesquels celui de Dunkerque, qui a à lui seul assuré 27 % des importations européennes de GNL russe en 2024.

La fermeture progressive des gazoducs reliant l’Europe à la Russie depuis le début du conflit en Ukraine a poussé l’Union européenne à se tourner massivement vers le GNL, acheminé par voie maritime. Une fois déchargé, ce gaz est regazéifié puis injecté dans le réseau de distribution, facilitant son acheminement vers d’autres pays européens, notamment l’Allemagne, qui ne possédait pas de terminal avant 2022 et dont la capacité d’importation reste encore limitée.

Un recul des importations de GNL en Europe

Malgré la position centrale de la France dans l’importation de GNL, les importations européennes ont enregistré une baisse de 19 % en 2024, atteignant leur plus bas niveau depuis 2021. Le Royaume-Uni se distingue avec une réduction de 47 % de ses importations, suivi par la Belgique (-29 %) et l’Espagne (-28 %). Cette baisse résulte en grande partie des efforts entrepris pour réduire la dépendance aux énergies fossiles et de l’accélération du déploiement des énergies renouvelables comme le solaire et l’éolien.

Une dépendance persistante au gaz russe

Malgré les ambitions affichées par la Commission européenne de se détacher du gaz russe d’ici 2027, la part de la Russie dans l’approvisionnement en GNL de la France reste considérable. En 2024, les importations de GNL russe ont représenté près d’un tiers du total importé par la France, plaçant Moscou juste derrière les États-Unis, premier fournisseur du pays. L’Algérie, quant à elle, a fourni environ 17 % du GNL acheminé vers la France.

Cette situation met en évidence la difficulté de réduire la dépendance européenne aux hydrocarbures russes. En dépit d’une baisse de 20 % de la consommation de gaz en France depuis la crise inflationniste de 2022, la demande s’est stabilisée en 2024, notamment en raison du relâchement de certaines mesures d’efficacité énergétique, comme l’isolation des bâtiments.

Une contradiction avec les engagements européens ?

Le volume des importations de GNL russe par la France interroge sur la cohérence des politiques énergétiques européennes. Alors que Bruxelles vise une indépendance vis-à-vis des hydrocarbures russes, les infrastructures gazières françaises jouent un rôle de pivot dans l’acheminement du GNL en Europe.

Par ailleurs, l’Allemagne, la France et la Pologne investissent actuellement dans de nouveaux terminaux de regazéification, et d’ici 2030, les infrastructures de GNL européennes devraient voir leur capacité augmenter de 60 %. Toutefois, en 2024, la moitié des terminaux existants fonctionnaient avec un taux d’utilisation inférieur à 40 %, ce qui soulève des interrogations sur la pertinence de ces nouveaux investissements. En effet, ces décisions pourraient entraîner un risque de surinvestissement dans des infrastructures sous-utilisées à mesure que la transition énergétique s’intensifie.

Vers une diversification des approvisionnements ?

Pour réduire cette dépendance, plusieurs options sont envisagées. La diversification des fournisseurs de GNL constitue une piste majeure, avec un renforcement des importations en provenance des États-Unis, du Qatar et d’autres producteurs.

En parallèle, la Commission européenne encourage la réduction structurelle de la consommation de gaz, notamment par l’amélioration de l’efficacité énergétique et l’accélération du déploiement des énergies renouvelables.

Toutefois, si la demande en gaz ne baisse pas significativement dans les prochaines années, la France continuera probablement à jouer un rôle clé dans l’importation et la redistribution du GNL russe en Europe, maintenant ainsi un paradoxe entre volonté politique et réalité du marché énergétique.