Nouvelle technique en vogue, l’agrivoltaïsme allie la production d’électricité à l’aide de panneaux photovoltaïques à l’exploitation agricole des terres (cultures, céréalières ou autres comme élevage). Le développement de ce “combo“ d’exploitation des surfaces agricoles permet d’éviter l’arbitrage classique entre exploitation agricole et implantation d’une centrale photovoltaïque. Il est désormais possible de cultiver les terres et de produire de l’énergie verte sur le même sol.
Table des matières
Les origines
Les origines de l’agrivoltaïsme remontent au début des années 1980, quand Adolf Goetzberger et Armin Zastrow, deux physiciens membres du Fraunhofer Institute for Solar Energy Systems ISE, émettent l’idée d’une superposition des cultures et des centrales photovoltaïques sur un même terrain. L’idée part de deux constats :
- La problématique de la compétition entre exploitation voltaïque et exploitation agricole des terres ;
- La saturation photosynthétique, seuil à compter duquel l’intensité lumineuse n’a plus d’effet sur la photosynthèse.
Partant de là, il doit être possible de créer de gigantesques ombrières permettant l’exploitation de la luminosité pour la production d’électricité sans nuire au développement des cultures. L’agrivoltaïsme se révèle être un bon moyen de mettre fin à la compétition et de préserver les terres agricoles.
Les premières centrales pilotes verront le jour au Japon, en 2004. L’Allemagne et la France lui emboîteront le pas. Puis la Chine, l’Inde, la Corée du Sud et même la Malaisie et le Vietnam ont suivi. Mais si le Japon en est à plus de 1 900 centrales du genre en 2018, la France en est encore très loin. Après quelques prototypes, notamment en 2009 près de Montpellier, la première véritable centrale agrivoltaïque a vu le jour en 2018. Elle est dotée d’une puissance de 2,2 MWc (Méga Watt crête) et couvre près de 4,5 hectares de vignes.
Un projet innovant
Non content de cumuler deux types d’exploitation différents d’une même surface, l’agrivoltaïsme dispose d’autres atouts. La technologie aidant, il est possible d’orienter les panneaux solaires en fonction du soleil au cours de sa course quotidienne. Mieux encore, l’ombre portée par grande chaleur permet également de réduire la consommation d’eau des cultures, évitant ainsi une trop grande évaporation de l’eau contenu dans les plantes. Sur des serres avec des structures légères comme en plein champ, l’agrivoltaïsme s’adapte aux besoins des cultures, à l’ensoleillement et au contexte météorologique.
Partout dans le monde, les techniques utilisées pour développer l’agrivoltaïsme ont été récompensées par des prix d’innovation. C’est notamment le cas en France où l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique), l’IRSTEA (Institut National de Recherche en Sciences et Technologies pour l’Environnement et l’Agriculture) et la société Sun’R, qui travaillent de concert sur le développement du programme Sun’Agri depuis 2009, ont reçu la médaille d’or du salon SITEVI (Salon InTernational des Equipements et savoir-faire pour les productions VIgne-vin, olive, fruits-légumes) en 2019 et le SIVAL d’or 2021.
Les avantages de l’agrivoltaïsme
Le premier avantage de l’agrivoltaïsme est inhérent à la double exploitation d’une même surface. Non seulement la technique agrivoltaïque permet de freiner voire d’éliminer la compétition liée à l’exploitation des terres agricoles, mais de surcroît elle augmente considérablement la rentabilité économique de ces sols.
Néanmoins, ce n’est pas le seul bénéfice à tirer de ce type d’exploitation. En Chine, différents groupes (Elion et You-Bao notamment), utilisent l’agrivoltaïsme pour optimiser la lutte contre la désertification. Les ombrières protègent les cultures d’un soleil trop “chaud“ tout en générant de l’électricité.
Au Vietnam, les premiers prototypes installés par l’institut Fraunhofer fondé par le Dr. Adolf Goetzberger démontrent qu’il est possible d’économiser jusqu’à 75 % d’eau en installant des ombrières sur les cultures tout en permettant aux agriculteurs de générer un revenu complémentaire grâce aux panneaux photovoltaïques. D’autre part, l’ombre permet aux travailleurs d’exercer dans de meilleures conditions, en souffrant moins de la chaleur. Enfin, l’eau étant moins chauffée par le soleil, sa température est plus basse et surtout plus stable, un vrai bienfait pour l’élevage des crevettes.
On peut aussi évoquer l’Italie et ses centrales en plein champ construites depuis 2012 (les premières en Europe !), installées à 5 mètres au-dessus du sol, permettant ainsi aux engins agricoles de circuler librement. De surcroît, ces panneaux sont fixés sur deux axes et sont mobiles. Il est donc possible de les orienter au besoin. Avec un taux d’occupation des sols inférieur à 15 % et ces fameux panneaux mobiles, les centrales ne nuisent pas aux productions agricoles ou vinicoles, pas plus qu’aux élevages.
Notons enfin que selon les configurations d’installation, les ombrières solaires servent aussi de gouttières et permettent donc la récupération des eaux de pluie. Un autre avantage non négligeable…
Les inconvénients de l’agrivoltaïsme
Bien que les premiers résultats soient (très) encourageants, nous n’en sommes qu’aux prémices de l’utilisation de cette technique. Il n’existe donc aucune forme de garantie quant aux rendements (agricoles et électriques) sur le long terme. Mais là n’est pas le point central du débat. Avant de passer aux panneaux mobiles, l’Italie avait expérimenté les panneaux fixes sur des hectares de vignes. Bilan : une réduction de la productivité des vignobles et des vendanges tardives. Cette baisse de rendement agricole, c’est ce que craignent encore de nombreux agriculteurs. Certains redoutent en effet que la production d’électricité se fasse au détriment de la production céréalière par exemple.
Enfin, l’aspect visuel peut paraître rebutant et c’est un véritable point d’achoppement. Néanmoins, si l’on observe les expérimentations menées partout dans le monde et les adaptations particulières mises en œuvre en Chine, au Vietnam ou en Italie, il apparaît que l’agrivoltaïsme peut tout à fait satisfaire agriculteurs et producteurs d’énergie verte.
La coexistence de deux activités
Les technologies modernes permettent aujourd’hui de faire coexister deux activités sans que l’une ne nuise à l’autre. Différentes synergies ont déjà été expérimentées dans les secteurs de l’énergie. On pense par exemple à la récupération de chaleur sur les groupes froid permettant de diminuer la consommation d’énergie dans les entreprises, aux réseaux de chaleur alimentant des serres en plus de la création d’électricité et du traitement des déchets organiques des unités de biométhanisation ou à la réinjection de la chaleur créée par les serveurs informatiques dans les circuits de chauffage des immeubles.
L’agrivoltaïsme est donc une autre forme, nouvelle, de synergie, exactement comme peut le faire la nature, quand une plante et un insecte se protègent mutuellement par exemple. On pense notamment à la symbiose entre les fourmis et les acacias. Il y a bien, là aussi, coexistence de deux activités…
Les recommandations de l’ADEME
Devant les premiers résultats des expérimentations menées partout dans le monde, l’ADEME se montre enthousiaste. Tout comme l’Assemblée Nationale suite à son rapport publié en début d’année 2022 sur le sujet. L’ADEME invite donc fortement les pouvoirs publics à convaincre les acteurs du monde agricole du bienfondé de la démarche et de l’efficience de la technique, en accompagnant les agriculteurs dans ce type de projet, en démocratisant la connaissance sur l’agrivoltaïsme et en créant un observatoire du photovoltaïque spécifique aux terres agricoles.
L’agrivoltaïsme répond parfaitement aux enjeux de la transition écologique. Une étude complète sur l’agrivoltaïsme est disponible gratuitement sur le site l’ADEME.