L’avant projet de loi sur la souveraineté énergétique, publiée fin décembre 2023, suscite déjà des critiques. En effet, le manque d’objectifs chiffrés liés au développement des énergies renouvelables est notamment souligné. Ce texte a pour principal objectif la mise en œuvre de la stratégie française pour l’énergie et le climat pour les quinze années à venir. Il doit être présenté en conseil des ministres d’ici à début février, avant d’être examiné par le Parlement.
Silence sur les objectifs renouvelables européens
La loi sur la souveraineté énergétique devrait définir les priorités climatiques et énergétiques de la France. Or, l’avant-projet actuel ne mentionne pas les objectifs fixés par la directive sur les énergies renouvelables (RED).
La directive européenne impose à l’Union européenne d’atteindre 42,5 % de renouvelables dans la consommation finale d’énergie d’ici 2030. Cependant, le projet de loi français ne fait aucune mention de ces objectifs, suscitant des inquiétudes quant à l’engagement réel envers les énergies renouvelables.
« Il est strictement faux de dire que nous n’avons pas d’objectif renouvelable dans ce texte. L’avant-projet de loi mentionne les énergies renouvelables et leur confère un rôle crucial, celui de clef de voûte : une fois que l’on a posé toutes les bases des filières existantes [nucléaire, etc.], les renouvelables assurent le dernier kilomètre. » a indiqué le cabinet de la ministre de la Transition énergétique.
Il a également rappelé que la stratégie énergie-climat publiée fin septembre, prévoyait des objectifs liés au développement des énergies renouvelables.
Fragilité des arguments et enjeux européens
La stratégie énergie-climat prévoit bien des objectifs de production d’électricité grâce aux renouvelables, mais cet argument est fragile. En effet, la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), qui doit refléter ces priorités, a une valeur juridique inférieure à celle de la loi. De plus, la PPE dépend des objectifs définis dans la loi, et l’absence d’objectif chiffré de développement des renouvelables dans cette dernière pourrait affaiblir la priorité accordée à ces énergies.
Les engagements de la France, tels qu’énoncés dans la stratégie énergie-climat, ne se présentent pas sous forme de pourcentage de la consommation finale d’énergie. La France privilégie des objectifs “décarbonés” plutôt que “renouvelables” pour tenir compte de la production nucléaire, ce qui soulève des inquiétudes quant à la cohérence avec les objectifs européens.
En parallèle, les gaz à effet de serre, initialement ciblés pour une “réduction”, voient leur objectif atténué dans l’avant-projet de loi. Le gouvernement, peut-être sceptique quant à la capacité du nucléaire à réduire la dépendance aux hydrocarbures, modifie également l’objectif en le transformant en “tendre vers une réduction de” ces émissions. Cela équivaut à une obligation de moyens plutôt que de résultats. Cela est beaucoup moins contraignant, et peu cohérent avec les objectifs européens qui sont exprimés de façon plus explicite.
Vers un choix nucléaire au détriment des renouvelables
L’avant-projet de loi, dénoncé comme favorisant le nucléaire au détriment des énergies renouvelables, supprime les objectifs chiffrés de développement des renouvelables électriques. Cette orientation soulève des préoccupations quant à la capacité de la France à respecter les engagements européens, notamment l’objectif de 42,5 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique d’ici 2030.
La décision de privilégier le nucléaire, tout en évitant des objectifs concrets pour les renouvelables, suscite des réactions négatives. Certains experts estiment que cela envoie un signal négatif aux investisseurs européens dans les énergies renouvelables. Cela remet également en question l’engagement de la France envers une transition énergétique durable.
À l’approche des élections européennes de juin 2024, le gouvernement semble vouloir promouvoir sa vision d’une “électricité décarbonée” largement basée sur le nucléaire, en remplacement de l’objectif d’une “électricité renouvelable” préalablement défendu par l’UE.
Cette orientation pronucléaire a été constamment réaffirmée par Emmanuel Macron, depuis le discours de Belfort en février 2022 jusqu’à la COP28 de décembre 2023. Elle est maintenant pleinement assumée dans cet avant-projet de loi.
En dépit de cela, le cabinet de la ministre de la Transition énergétique insiste sur la position favorable à l’accélération des énergies renouvelables, citant des chiffres de RTE qui indiquent une croissance significative de la production d’énergie nucléaire, éolienne et solaire.
Un texte en évolution, mais des doutes persistants
L’avant-projet actuellement en consultation peut évoluer avant sa présentation en Conseil des ministres prévue fin janvier-début février. Cependant, la décision de ne pas inclure d’objectifs chiffrés pour les énergies renouvelables électriques reste source d’inquiétude. Certains suggèrent que la France pourrait chercher à renégocier ses contributions après les élections européennes de juin, soulignant les enjeux européens de la transition énergétique.
Pour résumer, la critique du projet de loi sur la souveraineté énergétique réside dans son manque d’engagement chiffré envers les énergies renouvelables. Cela soulève des questions sur la cohérence avec les objectifs européens et la réelle volonté de la France dans la transition énergétique. La bataille entre le nucléaire et les renouvelables semble prendre une nouvelle tournure, avec des conséquences potentielles sur la politique énergétique du pays dans les années à venir.