L’hydrogène bas carbone est souvent présenté comme une solution d’avenir dans la transition énergétique, et la France, engagée dans cette voie, se trouve à un carrefour crucial de son développement. En 2023, la France a franchi un pas significatif, doublant sa capacité de production d’hydrogène bas carbone. Toutefois, un écart conséquent demeure entre les résultats actuels et les ambitions pour 2030.
Une progression notable mais insuffisante
Début 2024, la France a produit quotidiennement 12 tonnes d’hydrogène décarboné, avec une capacité installée de 30 MW, contre 13 MW en 2023. Cette évolution, bien que représentant un doublement des capacités, reste modeste par rapport aux objectifs nationaux. La France ambitionne en effet d’atteindre une capacité de 6,5 GW d’ici 2030, un objectif qui semble lointain au vu des progrès actuels.
L’expansion des capacités de production a été stimulée par l’inauguration de nouveaux sites, comme les électrolyseurs Lhyfe en Bretagne et en Haute-Garonne, ou encore des stations de recharge avec production sur site, telles que celles de Paris, Clermont-Ferrand et Belfort. Malgré cela, la France se positionne derrière des leaders européens comme la Suède ou l’Allemagne en termes de capacité installée.
Les défis persistants : réglementation et marché
Un des freins majeurs à l’accélération du développement de l’hydrogène bas carbone en France réside dans le contexte réglementaire et le manque de visibilité pour les investisseurs. De plus, le marché national n’est pas encore pleinement propice à l’essor de cette énergie.
Le secteur de l’industrie se classe troisième en termes d’émissions de gaz à effet de serre, se situant juste après les secteurs des transports et du logement.
Sachant que l’objectif de l’industrie est de diminuer ses émissions de 45% d’ici 2030, une révision globale de la chaîne de production est nécessaire. Il faut donc repenser l’ensemble de la chaine de valeur, en se concentrant notamment sur la métallurgie, la chimie, la fabrication de produits minéraux non métalliques et le raffinage. En effet, à eux quatre, ces secteurs contribuent à 78% des émissions directes du secteur industriel.
Face à ces défis, l’hydrogène décarboné est perçu comme une solution, bien que sa demande tarde à se concrétiser. Catherine MacGregor, directrice générale d’Engie, reconnaît une incertitude plus grande que prévue sur le marché, soulignant l’annulation de plusieurs projets en conséquence. En effet, l’industrie n’est pas encore prête à adopter massivement l’hydrogène. Selon elle, les premières applications à se développer seront celles qui remplacent l’hydrogène traditionnel par de l’hydrogène vert, comme c’est le cas dans la production d’ammoniac.
Plusieurs obstacles entravent le développement de l’hydrogène dans le secteur. Premièrement, l’augmentation de la capacité des électrolyseurs pour atteindre des dizaines de gigawatts s’avère être plus complexe que prévu.
Deuxièmement, l’absence de régulation claire des prix de l’électricité post-Arenh crée un manque de visibilité pour les acteurs du marché. Ceci est important puisque le coût de l’électricité représente la moitié du coût de production de l’hydrogène via électrolyse. Catherine MacGregor met en garde : sans un approvisionnement abondant en électricité décarbonée à un coût raisonnable, la production d’hydrogène en France restera limitée.
La concurrence internationale dans la production d'hydrogène bas carbone
Un enjeu majeur pour la France dans le déploiement de l’hydrogène bas carbone est la forte concurrence internationale. Plusieurs pays, notamment les États-Unis, l’Allemagne et la Chine ont établi des stratégies ambitieuses pour développer leur propre filière hydrogène. Cette dynamique compétitive présente à la fois des défis et des opportunités pour la France.
D’un côté, la concurrence accrue encourage l’innovation et peut conduire à une baisse des coûts grâce à des avancées technologiques et des économies d’échelle. De l’autre, elle pose la question de la dépendance énergétique.
La volonté de la France de ne pas dépendre excessivement de pays comme la Chine, qui domine actuellement le marché des électrolyseurs, est importante. Cette indépendance passe par le développement d’une filière nationale robuste. Celle-ci doit être capable de produire de l’hydrogène décarboné en quantités suffisantes pour répondre aux besoins locaux, tout en conservant la capacité d’exporter.
Les perspectives et les stratégies à adopter
Pour rattraper son retard, la France doit non seulement renforcer ses propres capacités de production mais aussi investir dans la recherche et le développement pour améliorer la technologie des électrolyseurs et réduire leur coût. Cela implique d’assurer une électricité décarbonée abordable, et de stimuler la demande, tant au niveau national qu’international.
En parallèle, il est essentiel de tisser des partenariats stratégiques avec d’autres nations, favorisant ainsi une coopération internationale qui peut s’avérer bénéfique pour l’ensemble du marché de l’hydrogène bas carbone. En effet, la France doit envisager des stratégies d’exportation et d’importation d’hydrogène bas carbone pour compléter sa production nationale. L’engagement de l’État dans le soutien à l’installation d’équipements français à l’étranger pourrait être une voie à explorer.
L’objectif ultime est de positionner la France non seulement comme un acteur majeur dans la production d’hydrogène bas carbone, mais aussi comme un leader dans l’innovation et l’exportation de cette technologie, contribuant ainsi à une transition énergétique plus verte et plus durable à l’échelle mondiale.
Cela nécessitera une mobilisation tant au niveau des politiques publiques que de l’industrie, avec un accent particulier sur l’amélioration de la compétitivité de l’hydrogène vert et le développement de marchés dédiés. La route est encore longue, mais les opportunités et l’importance stratégique de l’hydrogène bas carbone pour la transition énergétique restent indéniables.