Dans les années 60 et 70, la France voit l’émergence de nouvelles sources de production d’énergie permettant son indépendance énergétique totale : le nucléaire. Depuis lors, les centrales nucléaires couvrent près de 75 % de l’énergie électrique produite sur le territoire (soit environ 25 % de la consommation). Unique au sein de l’Union Européenne, la situation énergétique de la France pose problème. Entre les directives de la commission européenne prônant la libre concurrence et le marché libre d’un côté, le monopole d’État incarné par EDF et la régulation des prix de l’électricité de l’autre, il a fallu trouver une solution : l’ARENH.
Table des matières
Qu’est-ce que l’ARENH ?
Créé dans le cadre de la libéralisation du marché intérieur de l’électricité, l’ARENH (Accès Régulé à l’Energie Nucléaire Historique) permet aux fournisseurs d’électricité dits “alternatifs“ d’accéder à un certain volume d’électricité auprès de l’opérateur historique dont le prix est fixé par les pouvoirs publics. Le dispositif a été mis en place afin de favoriser la concurrence sur le marché de détail. Il repose sur trois piliers fondamentaux :
- Un volume fixe d’achat d’électricité est attribué à chaque fournisseur alternatif. De cette façon, l’État garantit une égalité des coûts d’approvisionnement pour chaque opérateur ;
- Le tarif doit parfaitement refléter les coûts réels de production du parc nucléaire français ;
- Les tarifs régulés qui évoluent et sont dorénavant fixés sur différentes bases.
Définition
L’ARENH est un dispositif transitoire adopté dans le cadre de la loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l’Électricité) du 7 décembre 2010, publiée le 11 juillet 2011. Il doit permettre de respecter les directives européennes en matière de libéralisation des marchés et de libre concurrence. Dans les grandes lignes :
EDF est tenu de vendre 1/4 de sa production nucléaire aux fournisseurs alternatifs afin que ceux-ci puissent se battre à armes égales avec l’opérateur historique et producteur principal, les coûts production nucléaires étant plus bas que les autres sources d’approvisionnement.
Cependant, les volumes d’électricité revendus par EDF aux fournisseurs alternatifs ne peuvent excéder 25 % du volume total produit par les centrales nucléaires françaises. Ce qui représente environ 100 TWh par an. La loi prévoit la fin du dispositif en 2025.
Les origines de l’ARENH
A l’origine de l’ARENH, il y a la volonté de l’Union Européenne de libéraliser les marchés de l’énergie (Première Directive européenne de libéralisation du marché intérieur de l’électricité de 1996). Une volonté exprimée par le biais d’une directive de la Commission Européenne, traduite ensuite dans le contexte et dans le droit français. Au départ, nombre d’industriels, gros consommateurs d’électricité, y voient une opportunité. En effet, les contrats proposés en offre de marché avec des fournisseurs alternatifs résolus à casser le marché sont bien plus attractifs que les TRV d’EDF.
Il faut dire qu’à ce moment-là, le prix du baril de pétrole et des hydrocarbures en règle générale est très bas. L’électricité d’origine thermique est plus compétitive que l’électricité d’origine nucléaire, d’où l’effet d’aubaine que représente la libéralisation du marché de l’électricité pour les gros industriels. L’ouverture à la concurrence est donc très bien vécue, dans un premier temps.
Mais en 2004, les cours des hydrocarbures grimpent et avec eux, l’électricité d’origine thermique. Ces mêmes industriels qui se félicitaient de la libre concurrence se trouvent désormais bien dépourvus. D’autant que la directive Européenne interdit tout retour en arrière vers les Tarifs Réglementés d’Electricité. Les consommateurs sont piégés et en appellent à l’État, considérant qu’il est absurde de payer au prix moyen européen alors même que l’électricité d’origine nucléaire bénéficie d’un prix à la fois plus bas et surtout plus stable.
Le parlement intervient alors et vote le TaRTAM (Tarif Réglementé Transitoire d’Ajustement du Marché) en 2006, autorisant le retour aux TRV sur une durée limitée de deux ans. Ce qui n’est pas du goût de la Commission Européenne qui engage une procédure contre la France pour non-respects des directives et pour aides d’État, deux principes incompatibles avec le dogme néolibéral défendu par la Commission Européenne. C’est dans ce contexte particulier qu’est créée la commission Champsaur.
La Commission Champsaur
La problématique est complexe : comment respecter le droit Européen tout en permettant aux consommateurs de bénéficier des avantages de l’électricité d’origine nucléaire ? Fin 2008, le gouvernement nomme une commission spéciale chargée de faire des propositions qui pourraient sortir l’État français de l’ornière. Cette commission est présidée par Paul Champsaur et se compose de 8 membres (4 experts et 4 parlementaires). Le contexte est tendu car la Commission Européenne risque fort de demander à l’opérateur Français de rétrocéder une partie de sa capacité de production.
Après de nombreuses consultations et discussions, c’est finalement l’option ARENH qui est retenue. La Commission Européenne se satisfait de cette solution et suggère même de l’étendre à d’autres secteurs de production d’électricité comme l’hydroélectricité. L’État français refuse arguant de la prochaine libéralisation du marché hydroélectrique. L’accès régulé à la base (ou ARB) est donc spécifique à la production électrique d’origine nucléaire.
La Loi NOME
La loi NOME, datant du 7 décembre 2010, a pour objectif d’introduire l’ARENH. La loi inscrit dans le droit français l’obligation de libre concurrence du marché de l’électricité tout en préservant les bénéfices que le parc nucléaire français peut octroyer aux consommateurs. Dans les textes, la loi NOME introduit 5 évolutions majeures :
- Elle favorise le marché et la concurrence, permettant aux fournisseurs d’électricité alternatifs de concurrencer le fournisseur historique ;
- Elle préserve une réglementation stricte du marché en mettant en place de nouvelles obligations sur les pratiques des fournisseurs alternatifs ;
- Elle instaure le principe de réversibilité, permettant ainsi aux consommateurs de revenir vers des tarifs régulés à tout moment ;
- Elle supprime les tarifs vert et jaune (au-dessus de 36kVA) mais conserve la régulation des tarifs sous cette barrière ;
- Elle instaure une obligation de capacité aux fournisseurs alternatifs les obligeant à participer au surcoût de production d’électricité pendant les périodes de pointe.
Les objectifs de l’ARENH
Outre le fait que le mécanisme permet de répondre aux directives de la Commission Européenne sans léser le consommateur français, le but de la manœuvre est de placer tous les fournisseurs d’électricité œuvrant sur le territoire Français (EDF comme les alternatifs) sur un pied d’égalité. Ainsi, le consommateur peut bénéficier des investissements passés réalisés sur le nucléaire et jouir d’un tarif moyen plus bas que dans le reste de l’UE sans que le marché et la libéralisation voulue par la Commission Européenne ne se trouvent entravés dans leur progression.
Quel est le prix de l’ARENH, et comment est-il déterminé ?
Le prix de l’ARENH (fixé par la CRE, la Commission de Régulation de l’Energie) doit refléter un équilibre entre les problématiques des fournisseurs alternatifs (coût de commercialisation, d’approvisionnement, marge, etc) d’un côté et celles de l’opérateur historique de l’autre.
En d’autres termes, le prix de l’ARENH doit rester suffisamment bas pour que la libre concurrence puisse réellement s’exprimer et suffisamment haut pour que EDF s’y retrouve et puisse assurer la maintenance et la gestion du parc nucléaire. De fait, les éléments qui servent à calculer le prix de l’ARENH sont les suivants :
- Le coût d’exploitation du parc nucléaire ;
- Les investissements à réaliser pour prolonger la durée d’exploitation des centrales nucléaires ;
- La rémunération des capitaux ;
- La prise en compte d’une enveloppe destinée au démantèlement des centrales, à terme, Le coût du traitement des déchets nucléaires.
Jusque-là toujours bloqué à 42 € le MWh, le prix de l’ARENH a augmenté pour atteindre 46,20 €/MWh en février 2022, uniquement pour le volume supplémentaire de 20 TWh alloué par l’Etat, dans le cadre du bouclier tarifaire.
Le calcul des droits à l’ARENH : ce qu’il faut savoir
Lorsqu’un consommateur se tourne vers un fournisseur alternatif, il lui ouvre de facto un droit à l’ARENH, c’est-à-dire un volume d’électricité que le fournisseur en question peut se procurer auprès d’EDF et du parc nucléaire français. Ces droits sont à chaque fois calculés par la CRE, en fonction du profil de consommation du client final.
Calcul ex ante
Le calcul Ex Ante signifie simplement qu’il s’effectue sur la base d’estimations des consommations, ces estimations étant fournies à la CRE par les fournisseurs eux-mêmes.
Calcul a posteriori
Le calcul a posteriori permet de régulariser la situation d’un fournisseur alternatif qui aurait surconsommé par rapport à ses droits Ex Ante. Dans ce cas, le fournisseur doit régler le différentiel (les prix complémentaires) à des tarifs basés sur les prix des marchés de gros. Il est donc primordial pour un fournisseur alternatif de parfaitement jauger ses besoins sur l’année à venir sous peine de voir ses coûts d’approvisionnement exploser et de voir sa marge réduite.
Le principe de l’écrêtement
Dans le principe, l’ARENH permet aux fournisseurs alternatifs de demander jusqu’à 100 TWh d’électricité à EDF par an, plafond fixé par la CRE. Jusqu’en 2017, ce plafond était respecté puisque les prix de marché restaient majoritairement inférieurs aux 42 €/kWh. Mais depuis 2019, il est régulièrement dépassé. Ce sont ces dépassements du plafond déterminé par la CRE qui correspondent à l’écrêtement.
Au-delà du plafond, les fournisseurs alternatifs se soumettent au calcul a posteriori de la CRE et doivent supporter les coûts supplémentaires liés aux tarifs sur les marchés de gros ainsi que les surcoûts inhérents au rachat des capacités.
Les fournisseurs sont donc forcés d’augmenter les prix de leurs offres sur le marché. Cette hausse affecte directement les clients ayant des contrats indexés sur l’ARENH ou incluant une clause ARENH.
Opter pour une offre indexée sur l’ARENH ou comportant une clause ARENH ne vous isole pas des ajustements réglementaires, y compris l’écrêtement. Si la consommation dépasse les 100 TWh, votre fournisseur compensera le surplus en achetant de l’électricité sur le marché de gros à un prix modifié, ce qui pourrait également entraîner une demande de régularisation additionnelle de votre part.
Quel avenir pour l’ARENH ?
La seule chose qui est sûre à ce jour, c’est que le mécanisme de l’ARENH doit stopper en 2025. Comment va-t-il réagir aux violents soubresauts des marchés de l’électricité jusque–là ? Un autre mécanisme verra-t-il le jour pour le remplacer ? Et si oui, lequel ?
Augmentation du plafond de l’ARENH en 2022
Afin de réduire l’écrêtement et son impact sur les factures des entreprises et des ménages, le gouvernement discute de la possibilité d’une extension du volume électrique alloué aux fournisseurs alternatifs de 100 à 150 TWh par an. Pour l’heure et devant le dépassement prévu de 69 TWh sur l’année 2022, les fournisseurs alternatifs ont déjà eu accès à 120 TWh, à titre provisoire et exceptionnel. Dans le même temps, afin de rééquilibrer la balance vis-à-vis d’EDF, le tarif de l’ARENH a été révisé à 46,20 €/MWh.
La demande d'ARENH pour 2024
Pour l’année 2024, la CRE a enregistré des demandes d’électricité totalisant 130,45 TWh émanant de 102 fournisseurs. Il est à noter que ces derniers ont amélioré la justification de leurs demandes par rapport à l’année passée. Cette démarche a mené la CRE à apporter des rectifications pour quatre fournisseurs, réajustant ainsi le volume total à 130,41 TWh. Le taux d’attribution pour 2024 est de 76,68%, étant rappelé que le volume maximal d’électricité distribuable est limité à 100 TWh à un prix de 42 €/MWh.
En 2024, le taux d’écrêtement s’établit donc à 23,32%, marquant une baisse significative par rapport à 2023 où il était de 32,57%.
A noter également que depuis le 1er janvier 2024, le coefficient de bouclage ARENH a été réduit, passant de 0,964 à 0,844. Cette modification entraînera une baisse de 12,45 % des droits ARENH attribués aux consommateurs. Cette décision a été influencée par plusieurs éléments. En premier lieu, une disponibilité réduite du parc nucléaire français a réduit la production électrique. Cette situation résulte de multiples facteurs, tels que des retards dans le calendrier de maintenance des réacteurs dus à la crise sanitaire et la découverte de corrosion sous contrainte dans certains réacteurs. Ces problématiques ont rendu le coefficient précédent inadapté, car il ne reflète plus fidèlement la contribution de la production nucléaire à la consommation totale d’électricité.

Arrêt du dispositif en 2025
L’arrêt de l’ARENH est prévu en 2025. Pour autant, les fluctuations des prix sur les marchés de gros de l’électricité ne vont pas s’arrêter. Quant au parc nucléaire français, il aura toujours les mêmes avantages (prix et volumes stables) et les mêmes besoins (entretien, gestion du parc, coût d’exploitation…) Les autorités réfléchissent donc à une suite potentielle à donner après la fin du mécanisme.
Deux options principales se dessinent :
- La reconduction d’un système de même type, avec toutefois un plafond et un montant relevés ;
- La création d’un corridor ou d’un couloir de prix compris entre un prix plancher et un prix plafond indépassables.